
Lors de l’après-manifestation violente de mardi soir, trente-cinq personnes ont été interpellées notamment pour des violences envers les forces de l’ordre. Ce jeudi plusieurs d’entre elles ont été jugées devant le tribunal correctionnel de Toulouse. Ni black bloc, ni professionnels du désordre.
« Je suis sorti du bar. Il y avait beaucoup de lacrymogène dans la rue Bayard, des gens qui couraient. J’ai vu une pierre. Je l’ai ramassé et lancé vers un groupe de policiers… » Romain, bientôt 37 ans, ne roule pas les épaules devant le tribunal. 48 heures de garde à vue et une présentation devant la justice ont fatigué cet employé sans histoire. « Un profil lisse », résume la présidente Carole Maudui qui reprendra plusieurs fois l’expression pour caractériser le passé des prévenus arrêtés mardi soir au cœur de Toulouse pour leur participation à l’après manif.
« On ne vous reproche pas de manifester contre la retraite, on vous reproche les débordements inacceptables contre les forces de l’ordre, les actes de violences, les dégradations », prévient la procureure. La présidente ajoute : « Ce jour-là, il y a une manifestation avec beaucoup de monde sans incidents puis après 16 heures, et surtout après 18 heures des groupes dont les membres cherchent l’affrontement et sèment le désordre. »
« Je regrette ce jet de projectile »
Romain appartient-il à ces agitateurs ? L’employé se dit « contre la violence ». « Je suis rentré dans le bar justement parce que cela devenait n’importe quoi. En sortant, ce geste de colère, je regrette ce jet de projectile. »
La procureure apprécie la franchise mais réclame « une peine exemplaire ». Elle requiert six mois de prison ferme. En défense, Me Thomas Monnie s’étouffe : « Pas de passé judiciaire, un travail, une famille, un homme inséré… Sa place n’est pas en prison ! Elle n’est même pas devant ce tribunal dans le cadre d’une comparution immédiate. »
Une procédure réservée au flagrant délit et aux récidivistes qui donne des boutons à Me Cécile Brandely. Elle défend Jonas, 28 ans, lui aussi lanceur de galet en direction des forces de l’ordre rue Labeda, à deux pas de la place Wilson. « Je voulais rentrer chez moi. Ça courait beaucoup. J’ai ramassé cette pierre dans une jardinière… »
Un policier dit avoir dû se protéger derrière son bouclier pour éviter le projectile. « Quand ils m’ont arrêté, de manière tout à fait correcte, l’un d’eux m’a dit que j’avais foiré mon coup. Je crois que la pierre ne les a pas atteints… »
« Pas rendre une justice politique »
Six mois ferme, requiert le parquet. « Ce n’est pas ça la justice. Vous n’êtes pas là pour des peines exemplaires et rendre une justice politique. Vous jugez un dossier, un homme sans passé, sans activisme », argumente Me Brandely.
Et elle reste sur le même ton pour défendre Maxime, 23 ans, un ambulancier que les policiers disent avoir identifié sur deux jets de projectiles dans le secteur de Belfort. « Ce n’est pas moi », affirme ce garçon au visage d’enfant. La défense ferraille contre un dossier « vide » où le prévenu aurait d’abord été avec une veste marron, puis une noire. « La veste marron, je l’ai enlevée dès mon arrivée dans la manif, à Saint-Cyprien », affirme Maxime.
Le tribunal l’a pourtant reconnu coupable « en s’appuyant sur les témoignages des policiers qui vous ont identifié formellement ». Six mois avec sursis plus un stage de citoyenneté. Même chose pour Jonas, mais avec une amende de 400 €. Romain repart avec huit mois de prison avec sursis et 1000 € d’amende. « Les faits se ressemblent, mais vous êtes plus âgé. Vous devriez avoir plus de recul. » La présidente prévient : « Ne revenez pas devant le tribunal avec une affaire similaire. Là, il n’y aura pas la même compréhension. »
Les trois garçons sont repartis libres et rassurés après 19 heures. Quatre autres prévenus, arrêtés aussi mardi, attendaient encore leur tour.