
Lors de sa conférence de presse à l’occasion de la remise du rapport du Conseil d’orientation des infrastructures, le 24 février, Elisabeth Borne a annoncé que la Société du Grand Paris (SGP) serait mobilisée pour la réalisation d’une douzaine de RER métropolitains.
Cette annonce, passée quasiment inaperçue, vise à banaliser le modèle innovant de financement et de maîtrise d’ouvrage choisi pour la conduite du plus grand chantier européen d’infrastructure en cours : les 200 kilomètres de métro automatique du Grand Paris Express. Qu’en est-il vraiment ?
Le modèle SGP consiste à externaliser la maîtrise d’ouvrage d’une grande infrastructure à un établissement public ad hoc (appelé « société de projet ») doté d’une fiscalité propre qui lui permet de se refinancer sur les marchés financiers au rythme de sa construction, sans subir les aléas politiques et le carcan de l’annualité budgétaire.
Pour la construction du Grand Paris Express, la SGP assure ainsi le plein exercice de la maîtrise d’ouvrage publique et de la conduite des travaux (elle procède aux acquisitions foncières nécessaires, maîtrise ses approvisionnements, négocie avec les collectivités locales et les opérateurs fonciers, établit ses plans et programmes de travaux, réceptionne les ouvrages).
Arbitraire et injustice
Elle est dotée d’une ressource fiscale spécifique consistant en une taxe sur l’immobilier de bureaux et une taxe additionnelle à la taxe d’équipement prélevées en Ile-de-France, d’un rendement de plus de 600 millions d’euros annuels, qui lui permet de souscrire des emprunts sur les marchés financiers pour mener à bien sans anicroche un chantier géant de 35 milliards d’euros d’investissements étalé sur plus de quinze ans.
Le gouvernement Castex s’est explicitement référé à ce modèle pour monter en toute hâte son programme de trois LGV (ligne à grande vitesse) : Bordeaux-Dax-Toulouse (GPSO [Grand Projet du Sud-Ouest]), Montpellier-Perpignan (LNMP [ligne nouvelle Montpellier-Perpignan]) et Provence-Côte d’Azur (LNPCA [ligne nouvelle Provence-Côte d’Azur]). Cependant, les « sociétés de projet » pour GPSO et LNMP constituent une version dévoyée du modèle SGP, consistant essentiellement à piéger collectivités et contribuables locaux dans le financement à perte de vue d’infrastructures démesurées qui devrait être du ressort de l’Etat.
En effet, ces sociétés de projet n’ont pas la maîtrise d’ouvrage des LGV. Elles ne constituent que de banales sociétés de cantonnement de la dette des collectivités locales contributrices. Leur unique fonction sera d’acquitter les factures de SNCF Réseau qui sera maître d’ouvrage à part entière et disposera de l’intégralité des droits de propriété, et donc des recettes d’exploitation des futures LGV. Il ne s’agit pas d’une simple nuance par rapport à la SGP, car ces sociétés de projet ne maîtriseront en rien la conduite des chantiers, de leurs budgets et de leurs coûts.
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