
C’est en explorant les archives départementales de l’Aveyron que le loup lui est apparu pour la première fois, en 2019. Alors que Julien Coquentin effectuait des recherches préalables à un travail photographique sur la vie sauvage aux confins des plateaux de l’Aubrac et du Larzac, il trouve des documents consacrés à « la destruction des loups ».
Parmi eux, une liasse, datée de 1898, fait état d’une prime à qui tuerait une louve « pleine », charge à celui qui l’abattrait de rapporter aux autorités, pour preuve, une oreille coupée de l’animal. Ce sera chose faite peu de temps après, indique un autre écrit.
Frappé par cette pratique remontant à une époque où les battues étaient organisées sous le contrôle scrupuleux des municipalités, le photographe de 46 ans se sent « habité » par le spectre de cette pauvre femelle. Il sait aussi que le loup vient de faire sa réapparition, quatre ans plus tôt, dans la vallée du Lot, à quelques centaines de mètres du hameau de Lassouts (Aveyron), où il réside.
Zone difficilement protégeable
L’Office français de la biodiversité a prélevé des crottes, des poils, de l’urine, du sang. L’organisme évoque des traces appartenant à un mâle solitaire, probablement originaire d’une meute des Alpes, où l’espèce avait ressurgi en 1992. Il évoque également la présence d’une louve dans les Grands Causses, où plusieurs cas de prédation parmi les troupeaux ont été signalés. Mais la trace de cette femelle est rapidement perdue. Et Julien Coquentin se met à rêver.
« J’imagine que le fantôme de la louve tuée il y a plus de cent vingt ans erre encore dans la forêt voisine jusqu’à finir par croiser le loup vivant d’aujourd’hui », évoque l’enfant du pays. Il dit avoir été bercé, comme tous les habitants de l’Aveyron, de la Lozère et du nord de l’Hérault, par la légende de la bête du Gévaudan : un loup, ou plutôt des loups, qui, dans les années 1760, auraient dévoré plus d’une centaine d’humains.
Cette histoire « infuse toujours les esprits », rapporte Julien Coquentin, et l’animal est encore « totémique » aujourd’hui. Le photographe démarre donc une enquête de terrain en compagnie d’un sourcier sur la piste des pièges à loup dissimulés dans les sous-bois.
Cette vaste région, dans le sud-ouest du Massif central, a la particularité d’avoir été classée, en 2019, zone difficilement protégeable, un cas unique en France justifié par la présence des plus grands élevages d’ovins du pays. Ce statut accorde aux éleveurs, qui ne sont pas contraints de clôturer les pâturages, le droit de dépêcher des individus assermentés pour abattre le loup.
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