
Il fut un temps pas si lointain ou les affaires électorales marquèrent la vie villeneuvoise. Retour à Villeneuve-sur-vote avec l’affaire des 100 jours. On était en 1983.
S’il n’y avait pas eu 1 971 il n’y aurait pas eu 1983 : c’est l’affirmation que tenaient pour réalité les observateurs de la vie politique locale au tournant des années 70 et 80. Mais il y a eu 1 971 et la naissance de ce sobriquet de Villeneuve-sur-vote qui perdura jusqu’à l’élection municipale de 2001 avec le divorce de la droite locale et l’élection de Jérôme Cahuzac vainqueur d’une municipale marquée par la mésentente entre Michel Gonelle et Jean-Luc Barré. Remontons donc le temps jusqu’à cette année 1971. Les commentaires d’alors notent la bonne santé économique d’une ville qui ne semble pas trop souffrir de la crise. Mais dans les journaux parisiens qui racontent les événements de 1983 on parle déjà d’un mal dont la ville semble atteinte : la politique.
« Pourtant tout était clair de ce côté-là. On y votait par habitude et aussi par reconnaissance pour Jacques Raphaël-Leygues dont le grand-père Georges Leygues avait été un des personnages clés de la IIIe République. » Maire depuis 1954, Jacques Raphaël-Leygues fut aussi ambassadeur de France en Côte d’Ivoire. Il est écarté de son fauteuil de maire à la suite de fraudes électorales relevées en 1971, on avait fait voter les morts. Jacques Raphaël-Leygues ne fut pas condamné et fut même blanchi dans l’affaire ce qui ne fut pas le cas de quatre fonctionnaires municipaux. Et les élections partielles qui arrivent sur le calendrier électoral de la ville portent aux affaires le docteur Jacques Descayrac et le pharmacien Jean-Claude Cayrel. On est en 1974. La gauche gardera la mairie jusqu’en 1977. Les électeurs renversent les tables et renvoient les personnages de l’ancienne politique dans l’opposition en portant à la mairie un avocat alors âgé de 50 ans, Me Georges Lapeyronie. C’était un retour au calme et à une vie démocratique sereine à peine marquée par des festivités de Carnaval qui défrayèrent la chronique : le jugement de sa Majesté Carnaval ayant osé le crime d’impertinence. Jacques Raphaël-Leygues lors d’un de ses rares retours dans la bastide saluait même l’élection de Georges Lapeyronie.
« L’extraordinaire coup de théâtre… »
On est en décembre 1982 et se profile l’élection municipale de mars 1983. Jacques Raphaël-Leygues retrouve l’envie et fait savoir qu’il brigue de nouveau l’hôtel de ville à la tête d’une liste que désapprouve l’ensemble des partis de la droite (RPR et UDF) qui ne soutiennent et ne connaissent qu’un seul candidat, Georges Lapeyronie. Les trois mois de campagne électorale furent d’après les témoins rudes, le maire sortant étant la cible de tous les concurrents. Le 6 mars au soir le verdict tombe : la liste conduite par Georges Lapeyronie arrive nettement en tête. Pour exister encore Jacques Raphaël-Leygues est condamné à s’allier avec Lapeyronie pour le second tour : l’accord est posé, Georges Lapeyronie sera maire et Raphaël-Leygues, premier adjoint. Un accord public entérine ce rapprochement. La liste de Georges Lapeyronie gagne le scrutin avec 59 % des voix. Sereinement la ville s’avance vers la première réunion de ce nouveau conseil municipal qui se retrouve au rez-de-chaussée de l’ancien hôtel de ville le vendredi 18 mars. Mais coup de théâtre : malgré l’accord écrit, Jacques Raphaël-Leygues et ses amis, ils sont 12, ne votent pas pour Lapeyronie au moment d’élire le maire de la ville. Mieux ou pire, Jacques Raphaël-Leygues se porte candidat au second tour de scrutin et se faire élire maire de Villeneuve avec l’appoint des voix des élus socialistes dont celle du « chef », Jacques Descayrac. Dans la salle le public crie au scandale, les noms d’oiseaux volent, les injures pleuvent. Pour les amis de Georges Lapeyronie, « Raphaël-Leygues était un sous-marin du Parti Socialiste avec lequel il entretenait des relations suivies depuis quelques mois. Le scénario était prévu de longue date… » Du côté des militants du PS plusieurs voix se font entendre qui désapprouvent l’attitude de Jacques Descayrac expliquant qu’en ce vendredi soir « le PS s’est déshonoré… » Même Jean François-Poncet, l’homme fort du département, ajoute sa voix au concert des critiques : « renverser l’alliance ce n’est pas seulement rompre l’accord entre les colistiers c’est défier le suffrage universel. Il est inimaginable d’imposer pendant six ans une administration municipale fondée sur un abus de confiance. »
Jacques Raphaël-Leygues aura une seule explication à donner pour justifier ce coup de théâtre : « j’ai déjoué un complot… J’ai su juste avant la séance que Lapeyronie et ses amis ne voteraient pas pour moi au poste de premier adjoint, alors j’ai agi en conséquence… » La suite ? Les colistiers de Georges Lapeyronie démissionnent dans la foulée ainsi qu’un colistier de Raphaël-Leygues. On revotera 100 jours plus tard, une élection contre laquelle tenta de s’opposer le maire élu le vendredi 18 mars, le soir du scrutin des dupes.