
« Vite Maël, prends ton sac, on ne dort pas à la rue ce soir », s’exclame Nia, Camerounaise de 34 ans (les personnes citées par leur prénom ont requis l’anonymat). Ils sont quelque 260 sans-abri, dont de nombreux enfants, à avoir passé la nuit et la matinée sur le parvis de l’Hôtel de ville de Paris, quand la bonne nouvelle tombe, mardi 23 mai : la Préfecture va les « prendre en charge », c’est-à-dire proposer de les héberger.
Parmi eux, il y a aussi Ismaël, venu de Côte d’Ivoire et rejoint par sa femme et ses enfants en 2022. « Avant leur arrivée, je n’avais jamais le droit aux hébergements d’urgence, depuis qu’ils sont là, c’est un peu mieux. » Malgré leurs appels au 115, ils ne sont que rarement mis à l’abri, car le dispositif sature. « C’est la première fois qu’on se retrouve, au mois de mai, avec autant de demandes de familles auxquelles on ne parvient pas à répondre », alerte la directrice du Service intégré de l’accueil et de l’orientation de Paris, Sabrina Boulefrad.
2 000 places perdues
Depuis septembre 2022, des hôtels et résidences étudiantes parisiens qui s’étaient mis à l’hébergement d’urgence durant la crise sanitaire, faute de clients, sont revenus à leur vocation première ou ont lancé des travaux en vue des Jeux olympiques de 2024. Environ 2 000 places ont été perdues, et les 2 000 promises en centres d’hébergement par le gouvernement n’ouvrent pas assez vite. « On arrive à compenser par des places d’hôtel plus loin en Ile-de-France, mais certains refusent », constate Mme Boulefrad. Souvent parce que partir loin compromet la scolarité des enfants.
« Il était évident que les hôtels allaient reprendre leur activité touristique. L’Etat n’a pas suffisamment anticipé les choses, c’est une décision politique et ce sont les familles qui subissent », critique Léa Filoche, adjointe à la maire de Paris, descendue sur le parvis de l’Hôtel de ville à l’issue de la mobilisation de mardi.
« Il y a déjà eu une quinzaine d’occupations comme celle-ci depuis septembre », explique Océane Marache, coordinatrice de l’association Utopia 56 à Paris, qui propose chaque soir sur le parvis des places d’hébergement citoyen. « Ce sont des familles qu’on accompagne qui décident de se mobiliser : elles en ont ras le bol que le droit à un hébergement d’urgence ne soit pas appliqué et de voir réprimée toute tentative d’installer des tentes et campements. L’Etat semble mener à Paris, en vue des JO, la même politique de “zéro point de fixation” qu’à l’encontre des migrants à Calais [Pas-de-Calais]. »
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