A Sciences Po Bordeaux, l’algorithme maison favorise les boursiers et les élèves des lycées « cordées de la réussite »

On peut faire de la politique avec un algorithme. C’est le parti pris de Sciences Po Bordeaux, qui, soixante-quinze ans après sa fondation, a métamorphosé son mode de recrutement. En 2020, l’établissement est passé du concours écrit classique à l’examen approfondi des dossiers de candidature sur la plate-forme Parcoursup, complété par un oral d’admission.

L’institut d’études politiques (IEP) n’en fait pas mystère : son algorithme de sélection des dossiers est paramétré pour favoriser les élèves boursiers et ceux qui sont issus de lycées participant aux « cordées de la réussite », un dispositif de lutte contre l’autocensure se traduisant par un accompagnement continu à l’orientation dès la classe de 4e.

Fondé sur « l’écart à la moyenne », ce calcul algorithmique se distingue de celui qui est proposé par le ministère de l’enseignement supérieur, appelé « outil d’aide à la décision » (OAD), fondé exclusivement sur les notes. Ce choix est né de la volonté de l’institut de se saisir de la marge de manœuvre laissée aux formations sur la plate-forme, mais aussi de répondre à une question devenue brûlante, de façon à ne pas léser les lycéens dans leurs candidatures : comment l’enseignement supérieur peut-il mesurer le niveau d’un élève quand toute la classe a obtenu de bons résultats ?

Diversité sociale

Contrairement à l’OAD, l’algorithme bordelais ne discrimine pas les candidats de lycées où la notation est restée sévère, « mais il est défavorable aux lycées qui pratiquent l’inflation des notes et à ceux dont l’homogénéité du niveau des élèves est telle qu’il n’y a pas de dispersion des notes au sein de la classe », explique son concepteur, le professeur Vincent Tiberj, un ancien de Sciences Po Paris qui a œuvré, en 2001, avec Richard Descoings – lequel était alors directeur de l’institut –, au lancement des conventions éducation prioritaire, nouvelle voie d’entrée imposant davantage de diversité sociale dans l’école.

Le résultat est sans appel : lors de l’actuelle campagne de recrutement, 72 % des admissibles auraient été les mêmes, quel que soit l’outil utilisé, et 28 % des admissibles n’auraient été retenus que par le seul outil d’aide à la décision ou par le seul algorithme « maison ».

« Quelque 300 élèves n’ont donc pas été sélectionnés parce qu’on n’utilise pas l’outil d’aide à la décision du ministère, établit M. Tiberj. Je me dis que ces élèves auront de belles perspectives ailleurs, car les autres formations utilisent l’OAD. En revanche, ceux qui ont été reçus grâce à l’algorithme maison n’auraient pas eu de belles perspectives ailleurs. »

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