
Année faste pour Oscar Temaru : non seulement le leader indépendantiste de 78 ans a largement gagné, le 30 avril, les élections territoriales – son parti, le Tavini huiraatira, dirige désormais la Polynésie française –, mais il a été blanchi, mercredi 24 mai, par la cour d’appel de Papeete, après neuf ans d’une procédure bancale, au fumet légèrement politique.
Le maire depuis quarante ans de Faaa, la plus grande ville de Tahiti, était accusé de « prise illégale d’intérêt » – un intérêt « moral et politique », selon le parquet – pour avoir fait financer par la commune une petite radio municipale, Radio Tefana, qui ne cachait ni ses options indépendantistes, ni son opposition aux essais nucléaires, dont les blessures sont encore vives en Polynésie.
Oscar Temaru, après une interminable enquête préliminaire ordonnée par le parquet général, avait été condamné le 10 septembre 2019 à six mois de prison avec sursis et 5 millions de francs Pacifique (42 000 euros) ; et les dirigeants de la radio à des peines avec sursis et une forte amende, qui condamnait la radio à mettre la clé sous la porte. Le procès en appel avait été reporté cinq fois, en raison, avait déjà estimé la cour d’appel, « de procédures parasites » lancées par le procureur, et s’était enfin ouvert le 27 février, après mille péripéties judiciaires.
Le président Karim Sekkaki, qui a dirigé une audience très politique avec un remarquable sang-froid, avait proposé de renvoyer une fois encore le procès après les élections territoriales, mais Oscar Temaru avait tenu à être jugé une fois pour toutes. Dans un arrêt minutieux de plus de 70 pages, la cour a examiné une à une les nullités déposées par la défense, et a eu des commentaires sévères pour le tribunal de première instance.
« Motifs stéréotypés »
La garde à vue du maire en 2018 d’abord, convoqué pour une simple audition libre, est validée par la cour, qui estime qu’il s’agissait du « seul moyen » de l’empêcher de se concerter avec d’éventuels complices – même si les conseillers municipaux avaient déjà été entendus depuis un moment. Cependant, « c’est à tort » que le tribunal avait, lui, validé cette garde à vue en assurant qu’elle offrait davantage de droits au prévenu, estime la cour, qui note que les premiers juges l’ont justifiée par « des motifs stéréotypés et imprécis qui ne répondent pas à l’exigence d’une motivation d’une décision de justice ».
La défense avait soulevé un autre point gênant ; un premier procureur avait classé l’affaire dans un rapport de 2014, et le parquet général lui avait écrit : « Je vous demande donc à nouveau, mais pour la dernière fois, de faire procéder à une enquête préliminaire. » Ce rapport n’était pas au dossier – les avocats estimaient que ce n’était pas un hasard, et y voyaient une atteinte manifeste aux droits de la défense. Le tribunal avait balayé l’argument en disant qu’il n’y avait pas de preuves de l’existence d’instructions écrites du parquet général, qui doivent nécessairement être au dossier, mais qu’il y avait seulement eu des « contacts plus informels ». La cour estime que l’argument « est dénué de toute pertinence », mais qu’il ne s’agit pas là d’une nullité de la procédure.
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