
Le rapport qui accablait l’établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) de Neuilly-sur-Seine des années avant le scandale Orpea, les données qui ont dévoilél’ampleur des inégalités entre établissements scolaires, les notes de frais professionnels d’Anne Hidalgo… Ces révélations de la presse, et bien d’autres, ont été rendues possibles par l’existence de lois qui contraignent les institutions publiques à la transparence. Mais l’exercice de ce droit est fragile : en France comme en Europe, gouvernements et administrations rivalisent parfois d’ingéniosité pour faire obstacle au droit de communication des documents publics.
Ce constat, partagé par de nombreux journalistes d’investigation, est à l’origine du projet « Missing mails » (« courriels manquants »). Dix médias de sept pays européens, dont Le Monde, le quotidien allemand Die Welt, le site néerlandais Follow the Money ou encore le quotidien belge De Tijd, se sont rassemblés pour documenter ces blocages.
Les rencontres secrètes entre Uber et une commissaire européenne
Le 3 mai 2016, l’ancienne commissaire européenne au numérique Neelie Kroes est embauchée par Uber. Voyant dans ce « pantouflage » le signe possible d’un retour d’ascenseur à la suite de décisions favorables accordées par Mme Kroes, l’ONG Corporate Europe Observatory (CEO) demande à consulter les correspondances et les comptes rendus des rencontres entre la commissaire et la multinationale pendant son mandat, comme le permet la réglementation européenne sur l’accès aux documents administratifs.
La réponse apportée par la Commission européenne semble dissiper tous les doutes : d’après les recherches de l’institution, Neelie Kroes n’a échangé aucun courriel avec Uber, et son cabinet n’a rencontré les représentants du groupe qu’une seule fois.
L’histoire se serait arrêtée là si un ancien lobbyiste de haut niveau n’avait pas fait fuiter, en juillet 2022, une somme de documents confidentiels sur Uber. Ces « Uber Files » révèlent notamment l’existence de nombreuses réunions et correspondances entre les lobbyistes de la plate-forme et l’équipe de la commissaire, et même d’une rencontre avec Neelie Kroes elle-même, qui a négocié son embauche avant la fin de son mandat, en contravention avec les règles en vigueur. Des échanges dont on ne trouvait aucune trace dans les archives communiquées à CEO par la Commission européenne en 2016.
Ces informations ont-elles été sciemment cachées par l’institution bruxelloise, ou avaient-elles tout simplement été supprimées de ses archives ? Interrogée, la Commission européenne a refusé de répondre à cette question, mais estime avoir traité cette demande de documents dans les règles.
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