
Depuis quelques années, les gauches sont de nouveau au pouvoir en Amérique latine : c’est le cas au Mexique, en Argentine, en Colombie, au Chili et, ce qui n’a pas été une petite victoire, au Brésil. Faisant face aux effets conjugués de la crise mondiale et de la pandémie, ces gouvernements affrontent également une nouvelle droite sans complexe, en rupture affichée avec les garde-fous de la démocratie, alors même qu’une partie des sociétés latino-américaines exprime de nouvelles aspirations.
Dimanche 7 mai, les électeurs et électrices du Chili ont voté pour désigner les membres du Conseil constitutionnel, chargé de rédiger une nouvelle Constitution qui sera soumise à référendum le 17 décembre, dans un calendrier très serré. Après le rejet à une large majorité de la proposition de texte préparée par la convention constituante réunie entre 2021 et 2022, le président Gabriel Boric et les partis représentés au Parlement s’étaient accordés pour relancer un processus constitutionnel plus encadré que celui de la convention, et donner une nouvelle chance à la réforme.
Une commission d’experts désignés par les partis représentés au Sénat et à la Chambre des députés prépare depuis le mois de mars un texte, qui sera discuté dans le Conseil constitutionnel nouvellement élu. Douze grands principes encadrent la rédaction. Ils définissent les caractéristiques du régime politique et énoncent des principes de respect des droits humains, des identités des peuples indigènes et de la nature.
Clivages trop forts
Un seul parti n’a pas signé cet accord : le Parti républicain (PR, extrême droite), issu en 2019 d’une scission de la droite conservatrice. Sous la conduite de José Antonio Kast, candidat battu au second tour de la présidentielle de 2021, le PR considère qu’il est inutile de renouveler la Constitution. Il a présenté le vote du 7 mai comme l’occasion de sanctionner le gouvernement de Gabriel Boric, alors que la droite classique a fait essentiellement campagne sur la montée supposée de l’insécurité.
Or, ce dimanche 7 mai, le PR vient de remporter largement l’élection. Il arrive en tête au niveau national avec plus de 35 % des voix et, grâce au système de scrutin par circonscription, il occupera 23 des 51 sièges du Conseil constitutionnel. Un chiffre insuffisant pour pouvoir être seul à décider, puisqu’il faudra la majorité des trois cinquièmes – soit 31 voix – pour approuver ou rejeter les articles proposés par la commission d’experts, mais assez pour pouvoir bloquer toute réforme, puisque les forces proches du gouvernement actuel totalisent 16 élus et la droite traditionnelle 11 – un seul siège est attribué aux peuples indigènes, qui disposaient dans la convention précédente de 17 conseillers sur 155.
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