
Depuis qu’Emmanuel Macron a comparé les violences « quelle que soit la cause » à un « processus de décivilisation », la classe politique se déchire sur ce terme utilisé récemment par la droite et l’extrême droite.
Élus menacés, infirmière poignardée, policiers tués dans un accident de la route… Le président de la République a comparé, ce mercredi 24 mai en Conseil des ministres, les violences « quelle que soit la cause » à un « processus de décivilisation » : « Il faut être intraitable sur le fond. Aucune violence n’est légitime, qu’elle soit verbale ou contre les personnes. Il faut travailler en profondeur pour contrer ce processus de décivilisation », aurait précisément déclaré le président de la République. Cette expression se veut une « interpellation de la société » sur elle-même, parce que « le politique n’est pas le seul responsable », a expliqué en outre un proche du chef de l’Etat cité par le Parisien.
D’où vient le terme « décivilisation » ?
Le concept de « décivilisation » est à l’origine issu de la recherche en sociologie. Il renvoie au chercheur Norbert Elias, qui l’a développé avant la Seconde Guerre mondiale, rappelle le Huffingtonpost. Dans l’un de ses ouvrages publié en deux parties (La Civilisation des mœurs et La Dynamique de l’Occident), le sociologue britannico-allemand « analyse les évolutions des mœurs et les ressorts culturels et sociaux de l’apparition et de la montée du national-socialisme en Allemagne ». Mais le terme a depuis été utilisé par l’extrême droite : « Décivilisation » est notamment le titre d’un livre du théoricien Renaud Camus, chantre du « grand remplacement ». La droite s’est aussi emparée de ce terme. David Lisnard (le maire LR de Cannes) et Bruno Retailleau, le président des sénateurs LR, l’ont prononcé ce mercredi 24 mai. Selon ce dernier, les maires « sont confrontés à une forme de décivilisation de notre société, un ensauvagement ». Pour David Lisnard, l’agression dont le maire de Saint-Brévin a été victime, « est un révélateur de l’impuissance publique croissante de l’État et de l’ensauvagement de notre société, reflet d’une décivilisation caractérisée par une perte de repères et de sens. »
La gauche affligée, l’extrême droite confortée
Plusieurs élus écologistes ou de la France Insoumise ont vivement réagi sur les réseaux sociaux. « Soit le président de la République est en réalité dépourvu d’intelligence du verbe, d’inhibition républicaine et de réflexion sur les mots qu’il emploie. Soit le président de la République sait ce qu’il fait en reprenant les thèmes et les termes de l’extrême droite », s’interroge par exemple le député Génération⋅s Benjamin Lucas sur Twitter, quand son collègue (LFI) Alexis Corbière ajoute : « Considérer que ce serait pure coïncidence est soit une farce, soit affligeant. »
Soit le Président de la République est en réalité dépourvu d’intelligence du verbe, d’inhibition républicaine et de réflexion sur les mots qu’il emploie.
Soit le Président de la République sait ce qu’il fait en reprenant les thèmes et les termes de l’extrême droite. https://t.co/2lqBJjwPeg
— Benjamin LUCAS (@Benjam1Lucas) May 24, 2023
À l’opposé, Marine Le Pen s’est félicité de l’utilisation du mot « décivilisation » par le chef de l’Etat. Il « vient une fois de plus de nous donner raison », a estimé la présidente du RN sur Cnews. « La décivilisation c’est la barbarie (…), donc en réalité Emmanuel Macron vient une fois de plus, si je puis me permettre, nous donner raison sur le constat que nous faisons », a-t-elle ajouté.