
C’est la chronique d’un réarmement annoncé. Et pas de n’importe lequel. Dans une vidéo diffusée, jeudi 25 mai, sur Telegram, alors qu’il participait à un sommet régional à Moscou, le président biélorusse, Alexandre Loukachenko, a fait savoir que « le transfert des charges nucléaires [russes] a[vait] commencé » sur son territoire. Sans plus de précision ni de confirmation de la part du Kremlin. Juste de quoi alimenter un peu plus la crainte d’une escalade nucléaire du conflit en Ukraine.
Depuis 1991 et la chute de l’URSS, Moscou n’a jamais installé d’armes nucléaires hors de ses frontières. Mais ce n’est pas la première fois qu’est agité le scénario d’un déploiement en Biélorussie de stocks d’armes nucléaires tactiques russes, c’est-à-dire des armes qui contiennent des charges moins puissantes que les armes nucléaires dites « stratégiques ». Le 25 mars, le président russe en avait déjà fait l’annonce à l’occasion du traditionnel entretien télévisé « Moscou, Kremlin, Poutine », évoquant alors la construction d’ici juillet d’un centre de stockage d’armes nucléaires tactiques en Biélorussie.
Cette semaine, le ministère de la défense russe s’est contenté d’annoncer que Sergueï Choïgou, le ministre de la défense russe, et Viktor Khrenine, son homologue biélorusse, avaient signé « des documents décrivant le processus de stockage des armes nucléaires non stratégiques russes dans une installation spéciale de la République de Biélorussie ». Sans en dire davantage sur un éventuel transfert de têtes nucléaires.
Faire pression sur les Etats-Unis
Comme le rappelle Tiphaine de Champchesnel, spécialiste des questions de maîtrise des armements nucléaires à l’Institut de recherche stratégique de l’Ecole militaire, le fait que la Russie agite régulièrement la menace nucléaire peut être interprété comme une stratégie d’intimidation visant les acteurs qui soutiennent l’Ukraine, alors que la contre-offensive promise par Kiev est présentée comme imminente.
« L’installation de ces capacités sur le territoire biélorusse, même sans les têtes nucléaires, peut être comprise au regard des évolutions constatées sur le terrain conventionnel. En cas de difficulté, la Russie peut essayer de faire pression sur l’Ukraine en agitant la menace nucléaire, estime la chercheuse. La Russie peut aussi espérer que cette pression sera renforcée par les interventions d’autres Etats, qui demanderaient à l’Ukraine de ne pas aller plus loin pour éviter l’escalade nucléaire. »
Elle peut enfin tenter de créer des divisions au sein de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN), dont certains membres sont des voisins immédiats de la Biélorussie et pourraient se montrer moins ardents dans leur soutien à l’Ukraine.
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