« En 1717 se posait déjà la question des retraites et de la dette »

Le poids de la dette de l’Etat étant devenu insupportable pour les finances publiques, il fut décidé de rogner sur les pensions versées aux serviteurs de l’Etat. Toute ressemblance…

Cela se passait en 1717. Louis XIV, mort deux ans plus tôt, laisse derrière lui la dette colossale de la guerre de Succession d’Espagne (1701-1714), pendant laquelle le versement des pensions avait été suspendu. Le régent, Philippe d’Orléans, cherche à gagner les faveurs de l’armée et des princes du sang en le reprenant.

Car ces pensions sont versées à ceux qui ont rendu service au monarque, et selon son bon vouloir. La France en comptera 22 000 sur 28 millions d’habitants en 1789 – un ratio retraité sur actif plutôt favorable ! Le bénéficiaire la reçoit jusqu’à sa mort, même s’il n’exerce plus d’activité – ce qui fait de ce dispositif l’ancêtre de la retraite –, puis sa veuve et ses enfants si le roi y consent. La moitié sont les officiers de l’armée, auxquels s’ajoutent les serviteurs de la Maison du roi, du plus obscur palefrenier au grand chambellan, les princes de la famille royale (les pensions de loin les plus élevées – il faut tenir son rang), quelques artistes ou savants des académies royales, les peu nombreux agents de l’administration – commis, chefs de bureau, copistes… –, et même quelques manants, comme ce maçon qui sauva d’une chute mortelle le monarque visitant un chantier…

Car, héritage féodal, la fonction royale suppose générosité, récompense de la fidélité, pouvoir thaumaturge : le roi peut sortir de la pauvreté n’importe lequel de ses sujets, soulignait, le 23 mai, l’historien Benoît Carré (université de Trèves), auteur d’une thèse sur le sujet, lors d’un séminaire de l’Institut de la gestion publique et du développement économique, organe de recherche du ministère de l’économie.

Sentiment d’injustice

Mais comment faire lorsque l’argent vient à manquer – ce qui sera le cas à la mort de Louis XIV et à celle de Louis XVI, sur la guillotine ? Les pensions deviennent vite la variable d’ajustement des déficits. Le duc de Noailles, contrôleur général des finances (le Bruno Le Maire de l’époque), propose en janvier 1717 un « barème de retenues progressives » allant de un sixième des pensions les plus basses (moins de 600 livres) jusqu’à deux cinquièmes des plus élevées (plus de 10 000 livres), prélevées à la source. Mais comme le Trésor royal ne verse directement que la moitié des pensions – les autres le sont par les ministères et des administrations locales –, la mesure n’est guère efficace. D’autant que le niveau des retenues va varier au gré des priorités politiques, le monarque favorisant une catégorie ou taxant telle autre, d’où un sentiment d’injustice bien visible dans les cahiers de doléances.

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