En Algérie, la peine d’Ali Ghediri, ancien candidat à la présidentielle, alourdie à un mois de sa libération

L’ancien général algérien Ali Ghediri lors d’une conférence de presse à Alger, en janvier 2019.

Ali Ghediri ne sortira pas de sitôt de sa cellule. Alors qu’il s’apprêtait à quitter la prison de Koléa courant juin, l’ancien candidat à la présidentielle en Algérie a vu sa peine alourdie par la cour d’appel d’Alger dans la nuit du mardi 16 au mercredi 17 mai. Condamné à six ans de réclusion criminelle et à dix ans de privation de ses droits civiques pour « atteinte au moral des troupes de l’armée en temps de paix », il devra rester derrière les barreaux jusqu’en 2025.

L’ex-général de 69 ans est poursuivi pour une interview accordée en 2018 au quotidien francophone El Watan, dans laquelle il appelait l’ancien ministre de la défense et chef d’état-major de l’armée, Ahmed Gaïd Salah, à s’opposer à un cinquième mandat du président Abdelaziz Bouteflika (1999-2019). Arrêté chez lui en juin 2019, Ali Ghediri avait été condamné à une peine de quatre ans de réclusion criminelle en septembre 2021. Un verdict confirmé en appel cinq mois plus tard, mais cassé en octobre 2022 par la Cour suprême, saisie par la défense de l’ancien militaire.

Un nouveau procès devait donc avoir lieu, mais les avocats d’Ali Ghediri ne s’attendaient pas à ce que leur client soit appelé à comparaître moins d’un mois avant sa libération. Son nom, a fait savoir la défense, ne figurait d’ailleurs pas sur le tableau de programmation de la session d’appel affiché en avril.

« Nous étions au bord du précipice »

Comme lors des deux audiences précédentes, l’ex-général a nié avoir incité les militaires à intervenir dans le scrutin et a rejeté en bloc l’accusation portée à son encontre. « On ne fait pas bouger une armée avec des déclarations », s’est-il défendu, ajoutant : « Je ne pouvais pas rester passif devant ce qui se passait dans mon pays. Nous étions au bord du précipice. On voulait propulser encore une fois [Abdelaziz Bouteflika] sur chaise roulante à la tête de l’Etat. »

Un argument qui n’a pas convaincu les magistrats. Après les réquisitions du procureur appelant à une sentence de dix ans de réclusion criminelle, le jugement est tombé comme un couperet au milieu de la nuit. « Des cris et des pleurs ont retenti dans la salle aussitôt. Sa famille s’attendait à le voir bientôt libre. Il devra passer deux ans de plus en prison loin d’eux », témoigne un journaliste ayant couvert le procès.

La décision du tribunal a d’autant plus surpris que les peines sont d’ordinaire reconduites ou allégées en appel. Pour Ali Ghediri et sa défense, le verdict n’a d’autre but que de lui barrer la route à l’élection présidentielle prévue fin 2024. « Cette violation de procédure est un prélude pour alourdir la peine d’Ali Ghediri et l’empêcher de se porter candidat aux prochaines élections », a fait valoir Me Khaled Bourayou pendant sa plaidoirie, selon le site d’information Casbah Tribune. « La campagne électorale a débuté aujourd’hui », a lancé l’ancien militaire à l’adresse des juges.

« Une politique dévastatrice »

L’onde de choc suscitée par cette condamnation s’est propagée au-delà des murs du tribunal. Dans un communiqué, l’Union pour le changement et le progrès (UCP), parti d’opposition présidée par l’avocate Zoubida Assoul, a dénoncé « une politique dévastatrice ». « L’UCP rappelle que ce n’est pas en faisant le vide dans les rangs de l’opposition et dans celui des voix discordantes de la société civile algérienne que l’on va réussir des élections qui crédibiliseront le pouvoir en place et rétabliront la confiance aux yeux du peuple [et] à l’égard de l’opinion internationale », peut-on lire dans le communiqué.

Initialement, Ali Ghediri était poursuivi pour un second chef d’inculpation d’« intelligence avec l’étranger » au côté d’Hocine Gouasmia, chef du parti Forum de l’Algérie de demain, que l’ancien candidat à la présidentielle avait rencontré alors qu’il récoltait des signatures en vue de sa candidature à la présidentielle. Des faits requalifiés avant le procès de première instance.

Rejugé lors de la même audience qu’Ali Ghediri, Hocine Gouasmia a vu lui aussi sa peine rallongée. Condamné une première fois à dix ans de réclusion criminelle pour « faux et usage de faux », « usurpation de fonction » et « intelligence avec l’étranger », il a écopé le 17 mai de douze ans de réclusion.