
On peut se présenter comme le plus farouche combattant anti-immigration en Europe et faire en même temps preuve de clémence pour ceux qui permettent à des migrants d’entrer illégalement sur le territoire. C’est en substance le message d’un décret adopté en toute discrétion, le 25 avril, par le gouvernement hongrois du nationaliste Viktor Orban, sur la « réinsertion des personnes reconnues coupables du crime de traite d’êtres humains ». Ce texte vise à permettre la libération anticipée de tout détenu étranger condamné pour ce crime – passible d’une peine allant jusqu’à dix ans de prison –, à condition qu’il s’engage à quitter le territoire magyar dans « les soixante-douze heures ». Il stipule aussi que le prisonnier peut aller poursuivre « sa détention » dans « son territoire de résidence habituelle ».
Ce texte a déclenché lundi 22 mai les protestations de l’Autriche voisine, qui l’a qualifié par la voix de son ministre des affaires étrangères de « signal totalement erroné ». Alexander Schallenberg a convoqué l’ambassadeur hongrois à Vienne pour lui demander « des explications ». Les autorités autrichiennes craignent en effet que de nombreux passeurs libérés ces dernières semaines des prisons hongroises en profitent pour entrer en Autriche. Les contrôles ont été renforcés tout au long des quelque 400 kilomètres de frontière qui séparent les deux pays.
Le ministre autrichien explique notamment avoir réagi à un reportage de la télévision hongroise RTL, filmé en caméra cachée, qui a montré des fourgons de l’administration pénitentiaire hongroise amener des condamnés dans la gare d’une ville frontalière avec l’Autriche, les poussant à prendre un ticket pour quitter la Hongrie.
Des centaines de passeurs arrêtés
Gergely Gulyás, chef de cabinet de Viktor Orban, a défendu une mesure prise dans le but de faire des économies. « Les passeurs étrangers sont maintenus en prison ici avec l’argent des contribuables et cela coûte cher », a-t-il expliqué, en affirmant vouloir aussi lutter contre « la surpopulation » des prisons hongroises, qui abriteraient 2 600 détenus étrangers, soit 13 % du total de la population carcérale. Depuis que la Hongrie se présente comme un bastion de la lutte contre l’immigration, elle a en effet arrêté des centaines de passeurs, soupçonnés d’avoir tenté de faire passer des migrants clandestins vers l’Europe de l’Ouest depuis la « route des Balkans ».
Selon l’administration pénitentiaire hongroise, 700 personnes environ pourraient profiter de cette clémence, dont notamment « une partie importante de Roumains, Serbes et Ukrainiens ». « Dans l’histoire du droit hongrois, il n’y a jamais eu d’exemple de peine de réinsertion à une telle échelle pour les détenus étrangers de manière qu’ils passent leur détention dans leur propre pays », a vanté le quotidien gouvernemental Magyar Nemzet.
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