Devlet Bahçeli peut savourer, en connaisseur, le travail accompli. A 75 ans, le leader du Parti d’action nationaliste (MHP), la plus grande formation politique d’extrême droite turque, vient d’ouvrir symboliquement en tant que doyen, lundi 22 mai, la nouvelle session de l’Assemblée nationale. Il en est même le président jusqu’à la prochaine élection qui désignera le futur occupant du perchoir. On parle d’ailleurs d’un poste sur mesure pour ce vétéran des Loups gris et de la cause nationaliste. Le Parlement issu des législatives du 14 mai forme en son sein l’hémicycle le plus nationaliste et l’un des plus à droite de l’histoire centenaire de la République turque.
Deux tiers des représentants du peuple à Ankara appartiennent à des partis de droite : la formation au pouvoir, le Parti de la justice et du développement (AKP) du président Recep Tayyip Erdogan, allié au MHP et à deux autres partis, ainsi que le Bon Parti, membre de l’opposition et dirigé par la très nationaliste Meral Aksener, ex-ministre de l’intérieur dans les années 1990, durant la période la plus noire de la répression antikurde dans le Sud-Est, et le Parti de l’avenir de l’ancien premier ministre Ahmet Davutoglu.
Par le jeu des alliances, le fils du redoutable dirigeant d’extrême droite Alparslan Türkes, siège également dans la nouvelle enceinte, tout comme le fils de Necmettin Erbakan, éphémère premier chef de gouvernement islamiste (1996-1997) qui fut aussi le défunt mentor politique de Recep Tayyip Erdogan, et dont la mouvance politique se voulait proche des Frères musulmans.
Même l’AKP a souffert
Comme l’a fait remarquer le journaliste Mehmet Altan, les valeurs de gauche ou de la social-démocratie sont désormais moins représentées au Parlement qu’elles ne l’étaient depuis des décennies. Jamais depuis la fondation de la République en 1923, il n’y a eu autant de parlementaires nationalistes et islamistes. Même l’AKP du président sortant a souffert de cette poussée vers la droite de l’échiquier politique. Le parti a fini avec 35,5 %, soit sept points de moins que lors des législatives de 2018, l’un de ses pires scores depuis sa création en 2001.
Le détail du vote fait apparaître que la formation d’Erdogan a perdu une partie importante de ses électeurs au profit du MHP. Les électeurs du Bon Parti ont, eux, été un certain nombre aussi à voter à la présidentielle pour l’ex-membre du MHP Sinan Ogan, candidat surprise arrivé en troisième position avec 5,2 % des voix et qui vient d’appeler, lundi, ses électeurs à voter pour le chef de l’Etat.
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