
Il a connu des poussées suicidaires, Laurent Fignon le détestait… Dans un ouvrage récemment paru, le cycliste français, champion du monde 94, raconte les soubresauts qui ont émaillé sa carrière.
« Ce jour-là, j’ai pris mon fusil et je suis monté dans un bois. J’ai longtemps marché. À un moment, je me suis assis auprès d’un arbre et j’ai mis le canon du fusil sous ma gorge. Cela a duré longtemps. Le dos contre l’écorce et le doigt prêt à appuyer… J’ai refait le film de ma vie. Puis j’ai pensé à mes deux enfants et ma famille. Finalement, j’ai posé le fusil et je suis redescendu dans mon village. »
Ces mots, très forts, sont ceux de l’ancien champion français de cyclisme Luc Leblanc. Ce jeudi 25 mai, dans un entretien au journal Le Parisien – Aujourd’hui en France, celui qui a été sacré champion du monde en 1994 raconte les turpitudes qui ont jalonné ses 11 années de présence au sein des pelotons professionnels (1987-1998).
Il révèle plusieurs épisodes méconnus du grand public. Comme ce jour de 2003, lors duquel il a été tout proche de commettre le pire. Des pulsions suicidaires, dues à des souffrances qu’il ne pouvait plus accepter. Elles sont d’abord nées d’un traumatisme d’enfance. En 1978, Luc Leblanc est âgé de 12 ans, son petit frère trouve la mort dans un accident de voiture. Lui, est gravement blessé à une jambe. « Il m’en reste le souvenir d’un chauffard qui n’a eu que deux mois de retrait de permis » rembobine-t-il. « Et une question que je me pose encore et toujours vis-à-vis de mon petit frère : pourquoi lui et pas moi ? »
Lors de ses années professionnelles, il raconte avoir rencontré de nombreuses marques d’hostilité. « On a passé son temps à dire que j’étais une pleureuse se plaignant tout le temps. Plein de gens ne connaissaient pas le drame de mon enfance et se foutaient de ma démarche alors que j’avais une jambe blessée à vie. Chaque matin de départ, je ne savais pas si ma jambe allait me laisser tranquille ou pas. »
Il raconte une animosité que lui vouait un coureur en particulier : Laurent Fignon. « À l’époque, j’étais le petit jeune de Castorama alors que lui était le grand Fignon. Il ne m’aimait pas. En 1991, j’ai pris le maillot jaune et c’est Fignon, mon coéquipier, qui m’a attaqué lors de l’étape de Val-Louron, dix secondes après que je lui eus dit que je faisais une fringale. Ce qui me fait perdre le Tour, que j’aurais pu gagner cette année-là. »
« Le médecin de l’équipe m’a expliqué que, si je voulais suivre, je devais me doper aussi »
« On disait aussi que j’avais trahi mes coéquipiers pour être champion de France (1992) ou du monde (1994), ce qui est archifaux » poursuit-il « Que j’étais la planche pourrie et le vilain petit canard du vélo. J’étais l’incompris et le mal-aimé. En 1992, c’est Laurent Fignon qui disait que ma façon de courir était dégueulasse. Mais il n’aurait jamais dit ça d’un autre coureur. Et Richard Virenque, lui, me faisait une réputation de suceur de roues qui était fausse. Il a fait croire que je l’avais trahi aux Mondiaux 1994 (Virenque terminera 3e). Et même deux ans plus tard, sur le Tour, alors qu’on n’était plus dans la même équipe ! »
Il confesse également avoir eu recours au dopage. De l’EPO, en 1994 : « J’ai dit au médecin de mon équipe, Festina, que je ne comprenais pas la transformation de certains coéquipiers. D’un coup, j’étais largué par des mecs qui ne passaient pas une bosse. Il m’a expliqué que si je voulais suivre, je devais faire comme eux. Sinon, j’étais fini. J’ai accepté d’en prendre un peu, avant le Tour de France (qu’il terminera 4e) pour réduire la fatigue dans mon corps. »
Aujourd’hui, Luc Leblanc affirme avoir perdu tout l’argent gagné en carrière, et souhaite « revenir dans le milieu » du cyclisme.