Kevin Guiavarch, pionnier français du djihadisme, condamné à quatorze ans de réclusion en appel

La cour d’assises spéciale de Paris jugeant en appel s’est une nouvelle fois montrée plus clémente que le parquet, en confirmant, vendredi 26 mai, le jugement de première instance, qui condamnait à quatorze ans de réclusion assortie d’une période de sûreté des deux tiers, le « repenti » Kevin Guiavarch, pionnier français du djihadisme.

Son épouse Salma O., qui comparaissait libre, a été condamnée à six ans d’emprisonnement, également comme en première instance, qu’elle pourra accomplir à domicile sous bracelet électronique en raison de ses « efforts de réinsertion ». Sa peine est assortie d’une mesure de suivi socio-judiciaire de six ans. Ces peines, confirmées par la cour d’appel, étaient jugées insuffisantes par le Parquet national antiterroriste, qui avait fait appel pour leur durée soit revue.

Lors de ses réquisitions vendredi, l’avocat général avait requis dix-huit ans de réclusion, avec une période de sûreté des deux tiers contre Kevin Guiavarch (comme lors du procès en première instance) et douze ans de réclusion contre son épouse (contre quatorze ans lors du procès de première instance) avec un suivi socio-judiciaire de cinq ans.

« La culpabilité des accusés n’est plus en débat aujourd’hui », avait rappelé l’avocat général. « La société a besoin de temps » pour « faire confiance » aux accusés, a-t-il expliqué avant de concéder que les deux accusés ne faisaient pas partie des « soldats d’élite » de l’organisation Etat islamique (EI) et qu’ils n’avaient pas participé à des exactions imputées à l’organisation djihadiste.

Parmi les premiers Français en Syrie

Kevin Guiavarch n’est « ni un fanatique ni un illuminé », a reconnu l’avocat général. Mais, a-t-il insisté, « c’est la peine qui marque la gravité des faits commis ». « Il ne faut pas minimiser » le rôle de Salma O., a-t-il également souligné, tout en saluant les « liens » qu’elle a su renouer avec ses enfants (nés pendant le séjour du couple en Syrie) et sa « reprise d’activité » professionnelle.

« Redonnez-moi la chance que vous m’aviez donnée en me permettant de reprendre un travail et mon métier de mère », avait demandé Salma O. à la cour avant que cette dernière se retire pour délibérer. En rendant son verdict, la cour d’assises spéciale d’appel a salué les efforts de Salma O. pour se réinsérer socialement.

Kevin Guiavarch, 30 ans, et Salma O., 41 ans, ont été parmi les premiers Français à rejoindre la Syrie, au début de l’année 2013, avant même la naissance officielle de l’EI. Ayant fait allégeance à l’organisation djihadiste en juin 2013, Kevin Guiavarch a soutenu avoir été seulement « brancardier » ou « infirmier », n’admettant avoir participé qu’à des surveillances de check-point, alors même qu’il postait sur Facebook des photos de lui (et de Salma O.) en treillis et en armes, bandeau des martyrs sur le front.

Une fois sur place, il avait fait venir de France trois jeunes femmes, certaines avec leurs enfants, pour les épouser. « La polygamie permise par l’islam » a été l’une des raisons de son engagement, a-t-il reconnu. Il avait quitté la Syrie avec sa famille élargie et leurs six enfants en juin 2016, un départ qui, pour l’avocat général, n’était « pas une prise de conscience de ce qu’était [l’EI] » mais relevait de « l’opportunisme » alors que l’organisation subissait des revers sur le terrain.

Arrêté en Turquie en 2016 puis remis aux autorités françaises en janvier 2017, Kevin Guiavarch est, depuis, incarcéré en France.

Le Monde avec AFP