
La Cour des comptes administre une vigoureuse remontrance aux syndicats. Dans un rapport rendu public jeudi 25 mai, elle leur reproche d’avoir « détourné » de son « objet » une aide publique dont le but initial était de payer des études qu’ils avaient commandées. Cet argent a permis « de financer les activités propres » des organisations de salariés pointées du doigt. De telles « dérives (…) auraient pu appeler des qualifications juridictionnelles » : en d’autres termes, la saisine d’un tribunal. Cette hypothèse n’est d’ailleurs pas écartée, mais les magistrats de la rue Cambon à Paris s’abstiennent de dire si la « procédure contentieuse » envisagée relève du pénal.
Le rapport diffusé jeudi passe au crible le fonctionnement de l’Institut de recherches économiques et sociales (IRES), une association créée en 1982, dont les « membres fondateurs » sont la CFDT, la CFTC, la CFE-CGC, la CGT, FO et l’UNSA-Education. Son « ambition » est de les « doter » d’une structure d’analyses indépendante des services d’études sous la tutelle de l’Etat. Cette structure « bénéficie d’une certaine notoriété », comme le reconnaît la Cour, notamment chez celles et ceux qui s’intéressent au monde du travail, à la vie des entreprises, aux relations entre les patrons et leurs personnels, etc.
Placé « au service » des syndicats, l’IRES est « géré » par eux, « ce qui a une incidence », en particulier sur la « gouvernance ». Ses ressources proviennent, pour l’essentiel, d’une subvention de Matignon, qui a baissé au cours de la décennie écoulée, passant de 3,3 millions d’euros en 2012 à 2,7 millions en 2021. Quant à ses missions, elles sont exercées de deux manières : d’un côté, un centre de recherche avec une « équipe interne » (dont les effectifs ont diminué, ces dernières années) ; de l’autre, une « agence d’objectifs », qui finance des enquêtes réalisées à la demande et sous le « contrôle » de chaque syndicat.
« Une telle situation ne peut perdurer »
C’est au sujet de cette seconde entité – l’« agence d’objectifs », donc – que la Cour des comptes se montre très rude. Premier grief : « Les délais de remise des études sont souvent importants, voire excessifs », trente et une d’entre elles, sur soixante-quinze, n’ayant pas été achevées « trois ans ou plus après leur approbation » (avec quelques projets inaboutis au bout de dix, voire quatorze années). De telles lenteurs « interrogent sur le pilotage » des recherches et sur l’« intérêt réel » manifesté par leurs commanditaires. Ces retards sont d’autant plus critiquables, pour les magistrats de la Rue Cambon, que les travaux sont « largement financés » sitôt prise la décision de les lancer : une pratique qui équivaut à accorder « un avantage de trésorerie (…), au détriment de l’Institut et en l’absence de service fait ».
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