« Le “budget de la décarbonation” pourrait être revu significativement à la hausse »

Si les émissions de gaz à effet de serre de la France diminuent tendanciellement, la prolongation des tendances actuelles ne conduit pas à l’objectif de neutralité carbone en 2050. Même en tenant compte des progrès récents et de la prolongation des politiques actuellement en place, les émissions resteront significativement supérieures aux objectifs d’étapes de la stratégie nationale bas carbone (SNBC) – la loi de 2020 qui fixe les objectifs d’émissions que la France s’assigne à différents horizons de temps. Des changements importants devraient donc être entrepris dès maintenant. Mais ils ne seront malheureusement ni gratuits ni spontanés…

Le montant des investissements nécessaires peut être calculé à partir d’une représentation des changements « physiques » qui doivent avoir lieu dans chaque secteur. Rexecode a ainsi calculé, dans son étude publiée en 2022, le coût des travaux de rénovation des logements, le surcoût des voitures et des camions bas carbone qui vont devoir être achetés, le coût de la modernisation des usines, etc. Il en résulte que les dépenses d’investissements supplémentaires totales devraient être comprises entre 58 et 80 milliards d’euros par an jusqu’en 2030. Ce « budget de la décarbonation » pourrait de plus être revu significativement à la hausse dans les prochains mois en raison de l’alignement de l’objectif français sur le nouvel objectif européen. La SNBC en cours de révision devrait prévoir un objectif de réduction de 55 % en 2030 par rapport à 1990, contre 40 % actuellement.

Depuis 1990, la grande majorité des réductions en France a été obtenue dans le secteur de l’industrie. Dans le bâtiment (chauffage et climatisation des logements et des locaux d’entreprise) ou l’agriculture, les baisses ont été plus faibles. Le secteur des transports est le seul qui a vu ses émissions augmenter. Si l’on veut accélérer la réduction, il va falloir s’attaquer bien plus franchement aux émissions des bâtiments et des transports, qui touchent plus directement tout un chacun.

Surcroît d’inflation

D’après nos calculs, l’effort se répartirait à peu près pour moitié entre ménages et entreprises. Les ménages sont principalement concernés par les coûts d’isolation des logements et les surcoûts des changements de véhicules. Aujourd’hui, 75 % du parc de logements a une étiquette énergie inférieure ou égale à D, alors que l’objectif est d’atteindre pour tous la classe A ou B. De même, les voitures électriques ne représentent aujourd’hui que 1 % du parc automobile roulant. Si leur part dans les ventes des véhicules neufs augmente fortement (13 % en 2022), on est loin de l’objectif de 100 % de véhicules neufs bas carbone en 2035. Les transformations demandées aux ménages représentent donc une marche d’escalier considérable.

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