« Le déficit de culture constitutionnelle contribue au développement et à l’aggravation de la crise de la démocratie »

Projet de loi de financement de la Sécurité sociale ; articles 40, 47.1 et 49 alinéa 3 de la Constitution ; cavaliers budgétaires ; obstruction parlementaire ; motion de censure ; dissolution ; Conseil constitutionnel ; référendum d’initiative partagée ; promulgation de la loi, etc. Le vocabulaire juridique et constitutionnel s’est soudainement propagé au cours de la séquence politique sur les retraites ; citoyens et journalistes ont témoigné à cette occasion un rare intérêt pour notre texte constitutionnel.

Il est vrai que l’adoption d’une loi provoque rarement un tel enchaînement de procédures. Depuis plusieurs mois, la Constitution française est sortie du petit cercle des spécialistes. Elle est présente sur les plateaux télévisés, au comptoir des cafés et jusque dans les foyers des Français. Ce phénomène engage à renforcer le lien que nous entretenons avec elle, surtout si l’on compare avec nos voisins outre-Atlantique, qui glorifient leur texte fondateur.

L’absence ordinaire d’intérêt pour la Constitution est-elle un reste d’adoration révolutionnaire pour la loi, « expression de la volonté générale » ? Sans doute, mais la vie parlementaire ne fait malheureusement pas non plus l’objet d’un grand engouement, ce dont témoignent, entre autres, les taux d’abstention record de ces dernières années.

Quelle que soit la cause, la conséquence est, elle, sans appel : tant l’attachement émotionnel au texte constitutionnel que sa connaissance font défaut en France. Nous souffrons collectivement d’un déficit de culture constitutionnelle, ce qui n’est pas satisfaisant dans une démocratie digne de ce nom.

L’éducation civique prise au sérieux

Il est fondamental que chacun puisse comprendre le plus tôt possible des questions qui, bien que d’apparence technique, ont des incidences majeures sur la vie politique et le quotidien des Français. Les conséquences ne sont pas minces : outre le développement d’une culture de l’opinion (et parfois du complotisme), la prise de décision est de plus en plus perçue comme la chose des experts, ce qui contribue à renforcer l’inertie démocratique.

Ce faisant, le manque de culture constitutionnelle partagée contribue au développement et à l’aggravation de la crise de la démocratie, entravant notamment l’expression de la citoyenneté. Comme remède à cette crise, la plupart des observateurs avisés (citoyens, pouvoirs publics et universitaires) proposent de réformer les institutions et de renforcer la participation des citoyens, sans doute à juste titre. Il nous semble tout aussi important d’attirer l’attention sur un élément trop souvent absent du débat démocratique : la formation constitutionnelle des citoyens à l’école, et ce depuis le plus jeune âge.

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