Opération « Wuambushu » à Mayotte : que deviennent les habitants des bidonvilles démantelés ?

Un jeune homme en face des bâtiments démolis dans le bidonville du quartier Talus 2, à Koungou, lors de l’opération Wuambushu, sur l’île française de Mayotte, le 23 mai 2023.

Un temps suspendue par la justice, l’opération « Wuambushu », voulue par le ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin, a finalement débuté lundi 22 mai, à Mayotte. En présence des médias et du préfet de l’île, Thierry Suquet, les pelleteuses sont entrées en action pour détruire les habitations des quelque soixante-dix familles qui habitaient dans le quartier Talus 2, un bidonville situé dans la ville de Koungou, dans le nord de Mayotte. Les services de l’Etat y ont dénombré « 162 cases à démolir », selon le préfet du département, territoire le plus pauvre de France, en proie à des violences chroniques.

Conçue au ministère de l’intérieur, validée par le président de la République en conseil de défense, l’opération sécuritaire « Wuambushu » poursuit une triple mission : l’expulsion des immigrés en situation irrégulière, majoritairement originaires de l’archipel des Comores, voisin, souvent installés dans des quartiers insalubres de Mayotte ; le démantèlement des habitats dits informels ; et enfin l’arrestation de délinquants. Les objectifs avancés par Gérald Darmanin sont ambitieux : l’Etat entend détruire « mille bangas [maisons de tôle] » dans un délai de « deux mois ».

L’opération « Wuambushu », dont la destruction du quartier Talus 2 se veut le fer de lance, est soutenue par la majorité des élus locaux et par une partie de la population, mais elle est dénoncée par les associations, qui la jugent « brutale », « antipauvres » et estiment qu’elle viole les droits des migrants. Sur le terrain, sa mise en œuvre pose toute une série de questions : sur quelle base légale se font ces démolitions ? Comment se déroulent les opérations ? Qui se voit proposer une solution d’hébergement ? Dans quels types de logement sont envoyées les familles et pour combien de temps ? Tour d’horizon.

Le cadre légal de la démolition de Talus 2

L’article 197 de la loi portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique (ELAN) prévoit que l’Etat peut, à Mayotte et en Guyane, par arrêté, ordonner aux occupants d’évacuer leur lieu d’habitation et aux propriétaires de procéder à leur démolition lorsque des « locaux ou installations édifiés sans droit ni titre » présentent « des risques graves pour la salubrité, la sécurité ou la tranquillité publique ». La loi prévoit également qu’« une proposition de relogement ou d’hébergement d’urgence adaptée à chaque occupant » doit être faite par les services de l’Etat, au moins pour les personnes en situation régulière.

Ces dernières semaines, l’opération « Wuambushu » attire l’attention du fait de son ampleur, des moyens qui lui sont alloués et de la communication ministérielle à son sujet, mais l’Etat procède déjà, depuis plusieurs années, à des démantèlements de bidonvilles similaires dans le cadre autorisé par la loi ELAN. Affichant un objectif de lutte contre l’habitat insalubre, la préfecture de Mayotte a ainsi ordonné la démolition de 1 652 bangas en 2021, et de 434 autres en 2022.

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