
Les écologistes se seraient-ils fait couper l’herbe sous le pied ? Dans un rapport remis lundi 22 mai à Matignon, l’économiste Jean Pisani-Ferry, artisan du programme d’Emmanuel Macron en 2017, et l’inspectrice générale des finances Selma Mahfouz ont appelé à taxer les plus hauts revenus et suggéré un recours massif à l’endettement pour financer la transition écologique. Un comble pour les écologistes qui portent ces idées depuis des années, sans avoir jamais été vraiment écoutés. « Si j’avais dit la même chose, j’aurais été vilipendée. On nous a moqués, caricaturés pour rien », regrette la secrétaire nationale d’Europe Ecologie-Les Verts (EELV), Marine Tondelier. Elle estime toutefois que « la bataille culturelle est en train d’être gagnée ».
Même conclusion pour l’ancien candidat à la présidentielle Yannick Jadot, qui se félicite d’un rapport qui « va dans le bon sens ». Tout en remarquant : « Quand c’est l’ancien rédacteur du programme de Macron, ça paraît sérieux. Quand c’est les écolos, y a un doute », se désole-t-il. La députée de Paris Sandrine Rousseau rappelle que le gouvernement a repoussé d’un revers de main les propositions fiscales du rapport, en particulier l’idée de créer un « ISF vert ». « Le problème, ce n’est pas les écologistes, mais l’écologie », analyse-t-elle.
Pourquoi a-t-il fallu un ancien proche du chef de l’Etat pour relancer ce débat aussi crucial ? « Tout dépend du locuteur. Les mêmes phrases prononcées par un responsable politique ne produisent pas les mêmes perceptions », pointe Simon Persico, professeur à Sciences Po Grenoble. Qui ajoute : « Les écologistes ne sont pas considérés comme des acteurs centraux, on ne les écoute que d’une oreille. » Pas seulement. « Si vous êtes uniquement sur la taxation des plus riches, vous ratez quelque chose dans l’opinion », complète Brice Teinturier, directeur général délégué d’Ipsos.
Les auteurs du rapport avertissent que les classes moyennes et populaires seront, dans un premier temps au moins, pénalisées par des mesures touchant principalement « des besoins essentiels (se loger, se transporter, se nourrir) ». Une idée que de nombreux écologistes n’acceptent pas. L’eurodéputé David Cormand préconise d’ajouter « 200 milliards d’euros de subventions publiques » au budget européen (aujourd’hui aux alentours de 170 milliards d’euros), via des mesures fiscales, pour assurer la redistribution. A son sens, Jean Pisani-Ferry n’est donc « pas assez à gauche ».
« Niche électorale de faible niveau »
D’autres écologistes sont plus prudents. « Personne ne dit que ça ne va être que du bonheur », reconnaît Yannick Jadot, qui pense quand même que le rapport de M. Pisani-Ferry aurait pu aller beaucoup plus loin. Même Sandrine Rousseau admet que « ce sera plus difficile pour tout le monde ». Mais quand elle joue les Cassandre, elle est fraîchement accueillie. Dans le débat public, on lui avait par exemple « ultra reproché » d’avoir prôné une augmentation du prix de l’essence. Reste que, pour l’élue écoféministe, il faut entrer dans une société de « post-croissance », de « post-productivisme ». Cette ligne politique, « extrêmement à gauche, anti-libérale », est difficilement audible dans l’opinion et produit une « niche électorale de faible niveau », selon Brice Teinturier.
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