« Transitude », un nouveau terme pour décrire le fait d’être transgenre

Histoire d’une notion. Quel mot utiliser pour décrire le fait d’être trans, c’est-à-dire vivre dans un sexe ou un genre différent de celui qui a été assigné à un individu à sa naissance ? Introduite dans le monde académique en 2014 par Alexandre Baril, professeur associé, spécialiste de la diversité, à l’université d’Ottawa, et Catriona LeBlanc, traductrice, « transitude » est l’une des dernières propositions en date. Ce néologisme – un équivalent français du terme anglais « transness » – a depuis traversé l’Atlantique et commence à être utilisé en France par les personnes concernées, en lieu et place du plus fréquent « transidentité ». Les deux, pourtant, sont synonymes : comment, dès lors, expliquer le besoin d’un nouveau mot ?

Pour le comprendre, il n’est pas inutile de revenir un peu en arrière, cette évolution lexicale n’étant pas la première en date. « Historiquement, la transitude au sens large a été théorisée successivement – même si cette succession n’est pas complète et qu’il y a des chevauchements temporels – par quatre concepts principaux, qui correspondent à trois paradigmes médicaux et à leurs interactions avec les demandes et les luttes des populations trans », analyse Pauline Clochec, maîtresse de conférences en philosophie à l’université de Picardie.

Premier de cette liste, le concept de « transvestisme », utilisé par le sexologue allemand Magnus Hirschfeld au début du XXe siècle, identifie les personnes trans à un type de nature sexuelle intermédiaire. Dans les années 1950, à la suite du succès de l’opération de réassignation sexuelle de Christine Jorgensen (souvent considérée comme l’une des premières de l’histoire moderne), le sexologue et endocrinologue américain Harry Benjamin propose quant à lui la notion de « transsexualisme ». Tout comme son synonyme « transsexualité », ce nouveau terme envisage le fait trans comme « un syndrome aux causes principalement psychiques, consistant en une scission dans l’unité psycho-physique de l’individu entre son identité de genre, son sexe physique et son rôle social de sexe », précise Pauline Clochec.

Dépathologiser le lexique employé

Si « transsexualité » et « transsexualisme » s’imposent en France entre les années 1970 et 1980, ils constituent des entités nosographiques – c’est-à-dire des termes dont l’objectif est la description et la classification de ce qui est encore considéré comme une maladie mentale.

D’abord aux Etats-Unis, puis en France à partir des années 1990, les milieux trans et queer vont commencer à dénoncer cette approche pathologisante et psychiatrisante du fait trans, et privilégier, dans un premier temps, l’usage du terme « transgenre ». Ce concept (sans substantif en français) vise alors non seulement à dépathologiser le lexique employé pour parler des personnes trans, mais aussi à ne plus faire de distinction entre elles sur la base du critère du recours à l’opération de réassignation sexuelle.

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