A Hongkong, une dirigeante d’un parti de l’opposition arrêtée lors d’un hommage à Tiananmen

La responsable d’un parti d’opposition à Hongkong, la Ligue des sociaux-démocrates, été arrêtée dimanche 4 juin, 34e jour anniversaire de la sanglante répression de la place Tiananmen, à Pékin, ont constaté des journalistes de l’Agence France-Presse (AFP). Chan Po-ying, une militante prodémocratie, tenait une petite bougie LED – un accessoire souvent utilisé lors des veillées commémorant la journée du 4 juin 1989 – et deux fleurs. La police l’a immédiatement interpellée avant de l’emmener à bord d’une camionnette.

Plus tôt dans la journée, l’AFP avait déjà observé l’arrestation de huit autres personnes, dont Alexandra Wong, 67 ans, une militante prodémocratie mieux connue sous le nom de « Mamie Wong ». Les forces de l’ordre l’ont d’abord encerclée, puis Mme Wong les a suivies sans résister, brandissant son bouquet de fleurs.

Une autre femme a également été arrêtée après avoir crié « Elevez des bougies ! Pleurez le 4/6 ! », en référence au 4 juin 1989. Vêtu de noir, un jeune homme portait, lui, le livre intitulé « 35 mai » au moment de son arrestation, une autre façon de désigner les événements de Tiananmen, qui ont eu lieu quatre jours après le 31 mai.

Après avoir été brièvement interrogée, fouillée puis relâchée, une femme a déclaré à l’AFP en haussant les épaules : « Tout le monde sait quel jour on est aujourd’hui. » La veille, la police de Hongkong avait déjà arrêté quatre personnes pour « conduite désordonnée sur la voie publique » et pour « actes à des fins séditieuses », et quatre autres pour « trouble à l’ordre public ».

Museler toute dissidence

Pendant plus de trente ans, des dizaines de milliers de personnes se sont réunies chaque année dans le parc Victoria à Hongkong pour une veillée aux chandelles en mémoire des victimes de Tiananmen. Mais, en 2020, Pékin a imposé une loi sur la sécurité nationale dans l’ex-colonie britannique pour museler toute dissidence à la suite des manifestations prodémocratie d’ampleur de 2019. Depuis, les autorités de Hongkong ont mis fin aux veillées, qui n’ont jamais été autorisées en Chine continentale.

Cette année, l’immense rassemblement du parc dans le quartier central de Causeway Bay a été remplacé par une foire commerciale consacrée à des produits en provenance de la Chine continentale et organisée jusqu’à lundi par des groupes pro-Pékin pour célébrer le 26e anniversaire de la rétrocession de Hongkong à la Chine. « Hongkong est une ville différente aujourd’hui », estime Mme Wong, 53 ans, qui n’accepte de donner que son nom de famille, tout en faisant l’éloge de la foire prochinoise.

Hongkong, restituée à la Chine par le Royaume-Uni en 1997, a ainsi longtemps été la seule ville chinoise à organiser une veillée aux chandelles en mémoire de Tiananmen. C’était d’ailleurs un indicateur-clé des libertés et du pluralisme politique que lui conférait son statut de territoire semi-autonome.

En Chine continentale, toute trace des événements de Tiananmen a été effacée par les autorités. Les manuels d’histoire n’en font pas mention, les discussions en ligne sur ce sujet sont systématiquement censurées. En témoigne la mésaventure de l’ambassade britannique à Pékin, qui a posté dimanche sur les réseaux sociaux une « une » datant du 4 juin 1989 du Quotidien du peuple, l’organe de propagande du Parti communiste chinois, qui décrivait l’afflux des blessés dans les hôpitaux à la suite de la répression.

Figures prodémocratie arrêtées ou réfugiées

« En l’espace de vingt minutes, les censeurs ont supprimé notre post de Weibo [réseau social chinois] », a tweeté dimanche l’ambassade du Royaume-Uni. Cette année, la police chinoise a également surveillé plusieurs sites emblématiques du rare mouvement d’hostilité envers le régime de Xi Jinping qui a éclaté à l’automne 2022. Un important dispositif policier a ainsi été déployé autour du pont Sitong de Pékin, théâtre d’une manifestation, à la fin de novembre, où une banderole réclamant plus de liberté y avait été déroulée.

A Hongkong, la plupart des figures du mouvement prodémocratie ont été arrêtées ou se sont réfugiées à l’étranger depuis l’entrée en vigueur d’une loi sur la sécurité nationale. C’est notamment le cas des responsables de l’association qui organisait la veillée du parc Victoria, Hongkong Alliance. Pour autant, les autorités semblaient toujours en état d’alerte maximal face aux possibles expressions de dissidence.

Le chef de l’exécutif de la ville, John Lee, a averti que chaque résident de Hongkong devait respecter la loi et se tenir « prêt à en assumer les conséquences » en cas de violation. Ailleurs dans le monde, des commémorations du 4 juin auront lieu au Japon, à Sydney, à New York et à Londres où une reconstitution des événements de Tiananmen se tiendra à Trafalgar Square.

A Taïwan, une pièce de théâtre de l’auteure hongkongaise Candace Chong, intitulée Le 35 mai, sera également jouée ce dimanche dans un théâtre de la capitale. « L’histoire et la mémoire ne s’effaceront pas facilement, estime le Hongkongais Sky Fung, secrétaire général de l’ONG Hongkong Outlanders, sise à Taipei. L’étincelle est toujours dans nos cœurs. »

Le Monde avec AFP