
Lorsque Alissa Heinerscheid, 39 ans, fut nommée, en juin 2022, à la tête du marketing du brasseur Anheuser-Busch, elle s’est dit qu’il fallait enrayer le déclin des ventes en rajeunissant la marque. Anheuser-Busch, c’est l’inventeur de la fameuse Budweiser Light, bière légère brassée par des immigrants allemands à Saint-Louis, sur les rives du Mississippi, depuis 1876. Alors, Mme Heinerscheid a eu l’idée d’offrir une canette de bière personnalisée à Dylan Mulvaney, une influenceuse transgenre starisée reçue par Joe Biden à la Maison Blanche.
Le 1er avril, Dylan Mulvaney diffuse à ses 1,8 million d’abonnés une vidéo sur Instagram dans laquelle elle célèbre le premier anniversaire de sa transition en femme et montre, toute souriante, une canette Bud Light avec sa photo, « le meilleur cadeau possible ». C’est l’explosion. Dans les onze jours qui suivent la diffusion de la vidéo, Bud Light est mentionné plus de 1 million de fois sur les réseaux sociaux, cinquante fois plus qu’au cours des onze jours précédents.
A l’influenceuse répondent les contre-influenceurs : le musicien Kid Rock poste une vidéo dans laquelle il tire à la mitraillette sur des caisses de Bud Light (1,8 million de vues sur Instagram), tandis que le chanteur country Travis Tritt déclare qu’il cessera de proposer de la Bud Light lors de ses tournées.
Livreurs de bière pris à partie
La réputation de la marque s’effondre. Une partie de la clientèle croit, à tort, que les canettes seront commercialisées avec la photo de Dylan Mulvaney, alors qu’il s’agissait d’un cadeau unique. En mai, Bud Light n’est plus la marque préférée que de 15 % des buveurs de bière, contre 22 % un an plus tôt. Le Wall Street Journal explique comment les livreurs de bière se font prendre à partie par les clients ou les revendeurs.
Les ventes s’effondrent, inexorablement : au mois de mai, selon le panel Nielsen cité dans une étude de la firme d’analyse financière TD Cowen, les ventes de Bud Light sont en recul de plus de 20 % par rapport à l’année précédente. Son cours en Bourse a chuté, passant d’un plus haut de 67 dollars (62,53 euros), fin mars, à moins de 55 dollars aujourd’hui : 21 milliards de dollars de valeur effacés pour une vidéo de 45 secondes.
L’image est abîmée, la bière étant un produit consommé lors d’événements festifs, publics ou amicaux : il faut alors « assumer ». L’ennui, c’est que l’entreprise n’a guère assumé, mécontentant à la fois ses clients et les groupes de défense LGBT+. « Nous n’avons jamais eu l’intention d’entrer dans un débat qui divise les gens. Notre métier est de rassembler les gens autour d’une bière », a déclaré Brendan Whitworth, directeur général des activités américaines d’AB InBev, la maison mère, belge.
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