La cour d’assises de la Drôme a condamné, mercredi 28 juin en fin de journée, Gabriel Fortin, surnommé « le tueur de DRH », à la réclusion criminelle à perpétuité, assortie d’une peine de sûreté de 22 ans. Soit le maximum encouru et ce qui avait été requis par le ministère public un peu plus tôt dans la journée.
Pour autant, la cour et les jurés ont reconnu qu’au moment d’agir, le 26 janvier 2021 par deux fois en Alsace, et deux jours plus tard dans la Drôme puis en Ardèche, l’ingénieur au chômage de 48 ans avait son discernement altéré. En l’actant, la juridiction criminelle permettra à Gabriel Fortin de bénéficier de soins plus importants en détention, et ce même si la paranoïa qui le caractérise n’est pas considérée aujourd’hui comme une pathologie.
« Du délire »
Cela, la défense l’avait réclamé dans une plaidoirie éclairante, par la voix de Me Romaric Chateau intervenant aux côtés de Me Laëtitia Galland. « Vous comprenez que tout va bien, vous, chez Gabriel Fortin ? », a demandé l’avocat à l’adresse de la cour d’assises.
Il rappelle : dans sa dernière plainte écrite le 6 janvier 2021, soit quelques jours avant les faits, son client parle de violation de domicile, de vol de clés de voiture et d’une veste à son domicile, ainsi que de la batterie de son appareil photo et de son vélo, mais aussi d’escroquerie bancaire et d’atteinte au secret de la correspondance, notamment. « Pourquoi le procureur lui-même ne s’est pas spécialement intéressé à cette plainte ? Parce qu’il n’avait pas envie qu’elle occupe ses enquêteurs, parce que c’était du délire. » Il a ensuite ajouté : « On essaie d’interagir avec Gabriel Fortin comme s’il n’y avait pas de problème. Forcément, on est frustré. Et si l’on admettait qu’il était un délirant paranoïaque, est-ce que tout ne deviendrait pas plus clair ? »
D’après la défense, le basculement est intervenu après les deux rudes licenciements de Gabriel Fortin en 2006 et 2009. Jusqu’à 2009, il travaille ou cherche à le faire. Après, « plus rien ». Avant 2009, il a un appartement et est capable de s’en occuper. Après, « il n’a plus rien, il vit chez sa mère ». « Vous ne le voyez pas le changement ? »
« Juste de l’obstination, de l’obsession »
Plus tôt dans la journée, l’avocat général Laurent De Caigny avait écarté la maladie mentale de ce dossier, balayant rapidement dans un même mouvement la paranoïa. Pour lui, il y a « juste de l’obstination, de l’obsession ». En réponse, Me Chateau a estimé que « faire œuvre de justice, c’était s’intéresser aux spécificités de Gabriel Fortin, et pas faire comme si le problème n’existait pas. S’il y a altération, vous devez la constater ».
« Victime »
À l’issue des plaidoiries de ses deux conseils, Gabriel Fortin a repris la parole. Il a déplié une feuille de papier, la même qu’au premier jour de son procès, et il a lu un texte, le même : il est « victime », il a déposé de « nombreuses plaintes » ; « les personnes en capacité d’agir n’ont rien fait » ; « la justice est responsable car elle a été défaillante ». La démonstration ne pouvait pas être plus parfaite.
Reste maintenant à savoir s’il fera appel de cette décision. Il a dix jours pour se décider. Du côté des parties civiles, Bertrand Meichel, la victime DRH de la tentative d’assassinat, s’est, lui, dit « satisfait ».