
Les termites sont au moins connus pour deux choses. Leur capacité de nuisance avec leur propension à tout dévorer, et leur talent d’architecte, avec certaines espèces capables d’ériger des nids de plusieurs mètres de haut, percés de galeries ventilant mieux leur intérieur que les constructions des meilleurs ingénieurs. Mais comment font-ils ?
Chez les fourmis, la réponse a été donnée depuis longtemps. Elle est chimique. L’organisation, sans plan, est liée au dépôt de phéromones, une substance qui guide les ouvrières en fonction de l’activité des autres. L’action d’une fourmi renforce ainsi celle de ses congénères, et ainsi de suite. Cette stigmergie, comme l’a baptisée le biologiste Pierre-Paul Grassé en 1959, explique une auto-organisation très efficace.
« Mais, pour les termites, beaucoup moins étudiés, les preuves du rôle des phéromones sont moins solides », explique Giulio Facchini, postdoctorant à l’Université libre de Bruxelles, premier auteur d’une étude franco-belge qui propose un nouveau mécanisme de stigmergie. L’article, paru dans eLife le 17 mai, mêle expériences et simulations sur l’espèce Coptotermes gestroi originaire d’Asie et présente aux Etats-Unis, où elle fait des ravages dans les maisons de la Côte est.
Selon les chercheurs, ces insectes auraient développé un sens non pas chimique mais physique. Ils ressentiraient la forme géométrique des structures, plus précisément leur courbure. Ainsi, ils préfèrent ajouter des briques, ou boulettes, sur des zones déjà incurvées, comme des piliers, « pointus », plutôt que sur des endroits plats, comme l’ont montré plusieurs de leurs expériences. « La présence d’une forme implique alors la croissance de cette forme elle-même », résume Stéphane Douady, chercheur CNRS au laboratoire Matière et systèmes complexes de l’université Paris Cité, coauteur de la publication. « Et les insectes n’ont pas besoin de phéromones pour savoir où construire, car nous les avons détruites pour l’expérience », insiste Giulio Facchini.
L’humidité, facteur-clé de survie
Cette attirance pour les piliers pourrait-elle provenir non pas d’un sens de la courbure, mais d’un sens de l’altitude chez ces insectes, même s’il ne s’agit que de quelques millimètres de hauteur ? L’hypothèse a été écartée par d’autres expériences. A partir d’une ébauche de mur en argile, les chercheurs ont observé que les termites ajoutent des boulettes, non pas partout sur le sommet du mur, mais surtout à ses extrémités, là où la forme est la plus convexe. « Cela écarte l’idée d’un sens de l’élévation, mais il faut reconnaître que nos preuves sont moins fortes que sur les piliers », confesse Giulio Facchini.
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