
Affaire Haouas, éventuel départ de Philippe Saint-André, arrivées de Richard Cockerill et Benoît Paillaugue… Entretien avec le président montpelliérain, Mohed Altrad.
Vous avez souhaité faire une mise au point suite à vos propos concernant Mohamed Haouas, pourquoi ?
On est dans une période où tout est blanc ou noir. Or, la vie n’est pas comme ça, elle est faite de nuances de gris. Oui, Mohamed Haouas a fauté, a recommencé alors qu’il avait déjà été condamné. Comme je l’ai écrit dans ma lettre, la justice a pris une décision. Maintenant, on attend le passage devant le juge d’application des peines pour savoir comment il va purger sa sanction.
Comprenez-vous que vos propos pouvaient être mal interprétés ?
Ce que je dis moi, ce n’est rien d’autre que ce que dit sa femme. Elle ne le condamne pas. Elle le pardonne, veut l’aider à se reconstruire. Comme moi. Dans la vie, il y a deux personnes qui peuvent pardonner : la victime, et Dieu. Et dans la religion chrétienne, le pardon existe. Après, il y a la partie morale.
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C’est-à-dire ?
La morale, je la définis comme la science du bien et du mal. Et qui considère le bien et le mal ? La justice. Et la justice a pris une décision. Il faut la respecter. Après, punir le mal par le mal, je ne suis pas d’accord. En tout, cas c’est mon interprétation.
Et ?
Prenons l’exemple d’un enfant puni par ses parents. Il est puni pour que l’enfant s’améliore. Mais après, si l’enfant n’est pas accompagné, il va sombrer. Et Haouas a prouvé qu’il ne pouvait pas s’amender tout seul. Et c’est pour ça que je cite Platon : « La sanction est un acte qui doit rendre l’homme meilleur. » Condamné devant la justice, est-ce que le public a le droit de le traiter comme un paria, une personne totalement incompatible avec la société ? C’est ça le sens de mon message.
Je vais essayer de voir ce que je peux faire pour lui en lui disant quand même ses vérités quand le moment sera venu
Il n’empêche pas que vous condamnez ses actes ?
Totalement. Maintenant, pour l’accompagner, il faut commencer par lui parler. Peut-être que la parole peut déjà l’aider. Il faut se méfier des moralistes. Parfois, ils laissent tomber l’humanité dans leur raisonnement.
Êtes-vous inquiet pour l’avenir sportif de Mohamed Haouas ?
Déjà, il n’a plus de contrat avec nous. Clermont et l’équipe de France ont affirmé qu’il ne jouerait pas ou plus pour eux. Pour l’ASM, il va falloir voir comment une rupture de contrat peut s’effectuer.
Maintenant, on va accompagner Momo comme on peut, comme on l’a toujours fait. On l’a accompagné dès l’âge de 15 ans. On est allé le chercher en prison, on a fait un deal avec le directeur de cette prison. Après, on lui a donné une chambre au centre de formation, on l’a nourri, entraîné jusqu’à son niveau actuel. Encore une fois, je condamne ses actes, on ne frappe pas une femme, point. Je vais essayer de voir ce que je peux faire pour lui en lui disant quand même ses vérités quand le moment sera venu.
Envisagez-vous de le reprendre dans votre effectif ?
C’est difficile à dire. Il y a beaucoup de paramètres à prendre en compte. Déjà, comment va-t-il purger sa peine ? Peut-il sortir la journée et rentrer le soir ? Si c’est ça, je ne vois pas comment il peut jouer au rugby. Il faut s’entraîner, manger de façon diététique. Après, s’ils lui mettent un bracelet électronique ou lui imposent un périmètre duquel il ne peut pas sortir, je le vois mal jouer… Attendons. Pour l’instant, on ne peut que spéculer.
Un joueur du Top 14 joue avec un bracelet électronique, c’est possible.
Si c’est le cas et qu’il joue, il faut s’attendre à la réaction du public. Il sera sifflé de partout. Dans un an, il redeviendra « normal ». Pourquoi pas le reprendre, et encore… Encore faut-il qu’on ait de la place, qu’il accepte une rémunération dégradée.
Organisation sportive
Cette année a été particulièrement agitée d’un point de vue extra-sportif…
Oui. Je retiens surtout la séance dans le vestiaire après Brive. C’est arrivé à un moment où il ne fallait pas. On avait une saison noire, on l’a noircie encore plus.
Cela a créé une scission ?
Non. C’est là que je vois qu’on a progressé. C’était d’ailleurs un bon test pour le groupe. Ce genre de moments, je l’ai vécu du temps de Fabien Galthié. Mario Ledesma était entraîneur des avants et il s’était accroché avec notre talonneur Charles Géli. C’était très tendu, des joueurs se sont interposés. Là, il y avait eu scission. Cette fois, il n’y en a pas eu. Du moins, je ne crois pas. En tout cas, il y avait de la dignité. Quelques joueurs se sont levés. Vincent Giudicelli a dit devant tout le monde que l’institution était plus forte que les hommes. Puis Yacouba Camara.
Moi, j’ai aussi eu quelques mots. J’ai dit à certains de se calmer, dont Momo et Paul Willemse.
Cockerill et Elissalde seront head coach tous les deux
Êtes-vous déçu de cette année post-titre ?
Bien sûr. Ce sont les mêmes joueurs, le même staff et on n’a pas confirmé. On a fêté jusqu’à tard le Brennus, le staff m’a demandé une semaine de congé à Barcelone pour les joueurs… On s’est entraîné que quatre semaines ensuite. On a fait des tests physiques sur les avants, on est à -17 % dans les chiffres par rapport à l’année dernière. C’est assez représentatif même si ça n’explique pas tout. Il y a aussi la partie morale à prendre en compte, il faut être costaud pour encaisser autant de défaites. Et on a eu du mal à s’en sortir.
Pensez-vous que cette équipe a appris ?
Je l’espère. Si j’étais à leur place, j’en tirerais les conclusions pour ne plus jamais vivre ça. Cette année, on n’est même pas qualifié. Là, on va se préparer et bosser dès le 3 juillet. Le planning est fait pour être prêt le premier match.
Avez-vous défini votre organigramme pour l’année prochaine ?
Il y aura une forme de continuité. On n’est pas bons depuis des mois donc on a pris une décision avec Philippe il y a un moment. Il va prendre de la hauteur et devenir vice-président. Il fera tout ce que je ne fais pas par manque de temps. Il continuera de s’occuper du recrutement – d’ailleurs, il est bouclé pour la saison prochaine -, aller aux réunions de la Ligue, rapprocher davantage le centre de formation du groupe professionnel. Il faut essayer de faire jouer le maximum de jeunes car beaucoup de talents peuvent se révéler. Certains se sont montrés cette année comme Darmon, Nouchi… Ils ont montré beaucoup de qualités.
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Pourtant, il semble que Philippe Saint-André soit sur le départ selon nos dernières informations…
Nous avons fait un communiqué pour les démentir. Je n’ai rien à dire de plus.
Sur le sportif, vous misez sur un duo Cockerill-Elissalde ?
Les deux seront head coach. Pour éviter des histoires, si jamais ils ne sont pas d’accord sur certains points, c’est Cockerill qui a le dernier mot. Mais on n’en arrivera pas là, ils sont intelligents et compétents tous les deux.
Quel sera le rôle de Benoît Paillaugue ?
Il sera joker Coupe du monde dans un premier temps parce qu’on n’aura pas Cobus Reinach. Vous connaissez Paillaugue. C’est un meneur d’hommes, un type qui parle bien. Il va jouer ce rôle d’intermédiaire pour qu’il y ait une cohésion dans l’équipe. Après, il peut jouer aussi un rôle d’entraîneur, donner un coup de main avec les espoirs.
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