Le label des fonds ISR devrait bientôt exclure le charbon et d’autres énergies fossiles

Publié le 29 juil. 2022 à 6:30

Les défenseurs d’un label ISR plus exigeant ont eu gain de cause. D’abord opposé à la mesure , le comité qui chapeaute les fonds français d’investissement socialement responsable (ISR) est finalement ouvert à l’interdiction de certaines activités controversées dans les fonds labellisés.

« Nous envisageons de proposer d’exclure le charbon et les énergies non conventionnelles, à savoir le gaz et le pétrole de schiste, du label ISR », annonce aux « Echos » MichèlePappalardo , la présidente du comité du label. Entièrement renouvelée l’année dernière, l’instance a pour mission de réformer cette certification d’Etat , qui rassemble 1.000 fonds de 170 sociétés de gestion, avec un encours total de 650 milliards d’euros.

Pétition

Le principe d’exclusion figure dans la feuille de route publiée ce vendredi sur le site du label. Le texte est ouvert aux commentaires et réactions jusqu’à la rentrée. Le comité présentera fin septembre une version finalisée au ministre de l’Economie, qui tranchera.

La question des exclusions cristallise les débats sur la crédibilité de la finance responsable à la française, face aux risques de greenwashing (écoblanchiment). Décriée par l’industrie pétrolière et certains investisseurs, la mesure est réclamée par de nombreux professionnels , notamment l’association Acteurs de la finance responsable qui a lancé une pétition en ce sens.

L’Inspection générale des finances en fait aussi la « priorité principale dans la refonte des exigences du label ». Dans un rapport au vitriol, l’administration a dénoncé fin 2020 les dysfonctionnements et le manque d’exigence de la certification tricolore, la seule en Europe à n’interdire aucun secteur controversé (énergies fossiles, tabac…).

« Nous faisons le choix d’exclusions limitées, prévient Michèle Pappalardo. Le label ISR n’est pas un label climat ou vert, et les exclusions ne sont pas la solution pour accompagner les acteurs économiques dans leur transition vers un monde moins carboné. »

« Pas d’impact majeur »

La haute fonctionnaire souhaite surtout que « les fonds soient obligés d’expliquer leur trajectoire Net Zero [zéro émission nette de gaz carbonique, NDLR] en 2050, avec des objectifs intermédiaires à 2030 si possible ».

L’exclusion de certaines énergies fossiles « n’aura pas un impact majeur sur le stock de fonds déjà labellisés » et pourrait être assortie de « planchers progressifs », par exemple un pourcentage maximum du chiffre d’affaires. Elle ne touchera pas TotalEnergies, société emblématique du CAC 40 dont 19 % des fonds actions labellisés sont actionnaires, selon une étude de la fintech Epsor.

La démarche n’est pas punitive. « Le label doit avoir un rôle pédagogique et d’entraînement pour faire avancer la Place financière, estime Michèle Pappalardo. Certains fonds vont déjà au-delà du cahier des charges, mais notre rôle est de rendre cette certification plus exigeante, plus lisible et plus efficace. »

Elle repose sur une approche best in class, qui met déjà de côté 20 % des valeurs les moins bien notées selon des critères ESG (environnementaux, sociaux et de bonne gouvernance), dans un univers d’investissement donné (actions européennes, obligations d’Etats…).

Trous dans les cotisations

Le comité souhaite « garder cette philosophie et la renforcer, en travaillant sur la double matérialité », c’est-à-dire à la fois l’impact de l’environnement sur la vie des entreprises et l’impact de l’activité des entreprises sur leur environnement. Il va aussi « veiller à un meilleur équilibre entre le E, le S et le G dans la démarche best in class ». Un défi, à l’heure où sociétés et investisseurs peinent à quantifier leur action, avec des indicateurs fiables et comparables.

D’autres chantiers sont remis à plus tard, comme la gradation des fonds en fonction de leur degré d’exigence. Ou encore la création de variantes pour les produits monétaires, qui pèsent plus du tiers des encours labellisés malgré une démarche ESG contestée, ou pour les fonds d’actifs non-cotés, aujourd’hui laissés à l’écart.

Pour ses travaux, le comité s’appuie sur un tout nouveau secrétariat logé au sein du lobby Finance for Tomorrow . Après plusieurs mois de flottement, celui-ci est notamment chargé de collecter les cotisations des sociétés de gestion, qui n’ont pas été appelées l’an dernier.

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