L’inflation galopante impacte fortement le pouvoir d’achat des retraités. L’amendement adopté puis rejeté dans la nuit de mardi à hier à l’Assemblée visait à compenser intégralement les effets de l’inflation. Les retraités vont toutefois bénéficier d’une hausse de 4 % du montant de leurs pensions, votée ce mois-ci.
Entre Emmanuel Macron et les Français retraités, les relations n’ont pas été au beau fixe depuis l’élection du ministre de l’Economie de François Hollande à l’Elysée en 2017. Dès l’entame de son premier quinquennat, la décision de demander « un effort aux plus âgés » était très mal passée. La hausse de 1,7 point de la Contribution sociale généralisée (CSG), intervenue au 1er janvier 2018 pour la partie des retraités touchant plus de 1 200 euros par mois, a contribué chez les seniors au sentiment d’être maltraités par l’exécutif dont les membres étaient régulièrement interpellés sur cette mesure. « Je sais que les retraités dont la CSG augmente sont mécontents. Je vous explique tout », avait lancé Emmanuel Macron dans une vidéo publiée sur sa chaîne Youtube… En vain et nombre de retraités s’étaient ensuite retrouvés dans le mouvement des Gilets jaunes.
Hausse de la CSG : Macron avait reconnu son erreur
En décembre 2018, face à ce mouvement social aussi inédit que massif, le chef de l’État – qui avait déjà « corrigé » le dispositif pour 100 000 retraités modestes – avait fait machine arrière et reconnu que l’effort demandé aux retraités avec cette hausse de la CSG « était trop important et n’était pas juste ». « Pour ceux « qui touchent moins de 2000 euros par mois, nous annulerons en 2019 la hausse de CSG subie cette année », avait annoncé le président de la République lors d’une intervention télévisée. « Avec cette annulation, c’est 70 % des retraités qui ne paient plus l’augmentation de la CSG » détaillait ensuite Benjamin Griveaux, le porte-parole du gouvernement.
L’épisode de la CSG a toutefois laissé des traces parmi les retraités, convaincus qu’ils avaient perdu du pouvoir d’achat. Une étude de la direction de la Recherche, des Études, de l’Évaluation et des Statistiques (Drees) publiée en juin 2020 a confirmé que la pension moyenne nette avait fléchi en 2018 sous le coup des décisions de l’exécutif. D’abord en raison de l’absence de revalorisation dans les régimes de base, à commencer par l’Assurance vieillesse de la Sécu, ce qui a ralenti la progression de la pension moyenne brute à 0,7 % (1 432 euros, majoration pour enfants incluse), contre 2,1 % en 2017. Ce maigre gain avait été effacé par la hausse du taux de CSG pour près de 60 % des retraités : après prélèvements sociaux, la pension moyenne nette ressort ainsi en baisse de 0,7 %, à 1 318 euros (majoration pour enfants incluse).
“Le compte n’y est pas” pour l’Union confédérale des retraités CGT
Sur l’ensemble du quinquennat, la perte de pouvoir d’achat a été étudiée par l’IREF, un think-tank libéral, qui a confronté le taux d’inflation du 1er janvier 2017 au 1er janvier 2022 aux indexations des pensions du régime de base. Résultat : un écart de 3,41 % a été mesuré. Mais l’Institut des politiques publiques (IPP) a publié en mars dernier une étude qui montre que l’effet global des réformes socio-fiscales d’Emmanuel Macron entre 2017 et 2022 a été légèrement positif sur le niveau de vie des retraités avec une légère hausse de +0,6 %. Avec « des effets positifs relativement importants et localisés pour les ménages retraités les plus modestes, concernés par la hausse du minimum vieillesse (Aspa) ainsi que pour les plus aisés, qui ont bénéficié des mesures portant sur les revenus du capital », notait l’institut.
Reste qu’avec le retour de l’inflation provoqué par la guerre en Ukraine, les retraités se retrouvent comme l’ensemble des Français très impactés par la hausse des prix. La revalorisation des pensions de 4 % à compter de juillet, qui a été voté ce mois-ci devrait en rattraper une majeure partie. Mais pour les représentants des retraités, le compte n’y est pas. « Avec une annonce au 1er juillet de 4 % d’augmentation uniquement sur les retraites du régime général, 0 % pour les retraites complémentaires, le gouvernement se moque de nous ! Le compte n’y est pas » estimait le 6 juillet l’Union confédérale des retraités CGT. Et de poursuivre : « Si on ajoute la perte cumulée de janvier 2008 à décembre 2021, malgré une augmentation de 1,1 % pour cette même année, cela représente une baisse équivalente à un mois de pension, ce qui est insupportable pour l’ensemble des retraités, en premier lieu les plus fragiles et les femmes ».
Pression sur les complémentaires
Les complémentaires Agirc – Arrco – qui concernent 11,8 millions des retraités de la CNAV et portent en moyenne sur près de 50 % de la somme totale des pensions mensuelles – seront, de leur côté, revalorisées en novembre, mais de seulement 2,9 % comme l’ont laissé entendre les gestionnaires des organismes paritaires. Une hausse jugée d’ores et déjà insuffisante au vu des réserves Agirc – Arrco de quelque 69 milliards d’euros. L’organisme doit réévaluer la situation en octobre avant de prendre une décision.
C’est donc dans ce contexte que l’amendement n° 194 du centriste Charles de Courson au projet de loi de finances rectificative proposant une revalorisation supplémentaire de 500 millions d’euros pour les pensions de retraite est arrivé dans l’hémicycle. L’amendement prévoyait une revalorisation des pensions prenant en compte le niveau réel de l’inflation, soit 5,5 % pour 2022, alors que le gouvernement proposait une revalorisation cumulée à 5,1 % (1,1 % en janvier puis 4 % en juillet). Adopté avec 50,69 % des suffrages il a ensuite été rejeté, Bruno Le Maire demandant une nouvelle lecture et obtenant son retrait.