Ennemi de l’impérialisme américain, Jean-Luc Mélenchon n’affiche pas la même constance vis-à-vis de la Russie, en guerre avec l’Ukraine, ou de la Chine qui a des vues sur Taiwan. Ses ennemis en profitent pour pointer du doigt l’ami des dictateurs, à Moscou et Pékin, mais aussi en Syrie, au Vénézuela ou à Cuba. Qu’en est-il exactement.
“Il n’y a qu’une seule Chine” pour Jean-Luc Mélenchon. Dans ce contexte, la figure de proue des Insoumis a qualifié de “provocation” le déplacement récent de Nancy Pelosi, la présidente de la Chambre des représentants américaine, accusée d’ouvrir “un nouveau front” à Taïwan. Mais la provocation, c’est plutôt dans sa prise de position que certains de ses partenaires au sein de la Nupes l’ont vue, surtout après les remerciements de l’ambassade de Chine.
Bien sûr que @JLMelenchon a raison de rappeler la position permanente de la France sur #Taïwan et l’unité de la Chine depuis de Gaulle. Quelle alternative ? La guerre avec la Chine ? Les frontières de la Chine valent-elles moins que celles de l’Ukraine ? Un peu de de cohérence.
— Matthias Tavel (@MatthiasTavel) August 6, 2022
Certes, le leader historique de LFI a reçu le soutien de plusieurs députés comme Manual Bompard, ou encore Matthias Tavel, un élu de la Loire-Atlantique qui a déclaré sur Twitter que “Jean-Luc Mélenchon a raison de rappeler la position permanente de la France sur Taïwan et l’unité de la Chine depuis de Gaulle”. Mais il a aussi été taclé par des élus socialistes et d’EELV qui n’apprécient que modérément ses prises de position à l’international.
Mélenchon parlait de “provocation” quand l’Ukraine démocrate se défendait au Donbass face à la Russie autoritaire.
Et parle de “provocation” de #Taiwan quand… ce pays agit librement face à la Chine.
Un pays démocrate c’est forcément une “provocation” pour une dictature.— Julien Bayou (@julienbayou) August 5, 2022
«Mélenchon parlait de “provocation” quand l’Ukraine démocrate se défendait au Donbass face à la Russie autoritaire. Et (il) parle de “provocation” de Taïwan quand ce pays agit librement face à la Chine. Un pays démocrate, c’est forcément une “provocation” pour une dictature», a ainsi asséné le patron des écologistes, Julien Bayou, ce vendredi après-midi sur Twitter.
“Pas en mon nom”, a encore tweeté le député européen écologiste David Cormand, ajoutant que “le cynisme de la diversion qui consiste à faire passer les bourreaux pour des victimes, c’est l’éternelle dialectique des dictateurs et la justification de leur barbarie. La Chine est une dictature. Les Taïwanais sont libres de disposer d’eux-mêmes”.
Qu’en est-il de la supposée complaisance de Mélenchon avec les dictateurs
Des critiques cinglantes qui rappellent la charge d’Anne Hidalgo à l’encontre du leader Insoumis pendant la campagne des élections présidentielles. La candidate socialiste avait alors attaqué Jean-Luc Mélenchon pour avoir « fait preuve de complaisance vis-à-vis de Vladimir Poutine, [comme] il en a fait preuve aussi (…) vis-à-vis de Maduro au Venezuela ou encore de Bachar Al-Assad en Syrie».
Complaisant avec les dictateurs, Jean-Luc Mélenchon? L’accusation ne date pas d’hier. Plaider comme il le fait pour une France « non alignée », qui « n’accepte pas un ordre du monde dans lequel il y aurait d’un côté, l’OTAN, et de l’autre, un bloc russe » ou même chinois pourrait s’entendre. Mais à côté de ça, pourquoi encenser à ce point des pays qui ne brillent pas par leur respect de la liberté d’expression, voire qui sont à l’origine de répression sanglante? Pourquoi pas répondent ses amis, “la France vend bien des armes à l’Arabie saoudite”.
Jean-Luc Mélenchon, en tout cas, a choisi. Et il assume comme en atteste sa nouvelle tournée de quinze jours en Amérique latine pour soutenir le “processus de révolution citoyenne” en cours au Mexique, au Honduras et en Colombie. Un pas de côté pour éviter les critiques sur son soutien au Vénézuela de Chavez puis de Maduro ou à Cuba, qui selon lui “n’est pas une dictature”. Car de fait, le soutien à la révolution chaviste et bolivarienne reste son cheval de bataille “contre l’oligarchie, la caste des empires de presse et de l’aristocratie des possédants de toujours”, comme il disait dan son livre Le choix de l’insoumission. Un choix qui l’a également amené à soutenir l’intervention Russe en Syrie au nom de la lutte contre Daesh, et peu importe que les civils soient écrasés sous les bombes comme en Crimée ou, plus récemment, dans le reste de l’Ukraine.
Fidèle à ses premières amours avec la Russie, Jean-Luc Mélenchon l’est aussi avec la Chine, que les prétentions impérialistes – qu’il dénonce à l’Ouest – concernent Taiwan ou le Tibet, envahi par la Chine en octobre 1950. Logique pour JLM, en désaccord total avec l’idée de leur régime théocratique. “Je ne soutiens pas davantage ni n’encourage le Dalaï-Lama, ni dans sa religion qui ne me concerne pas, ni dans ses prétentions politiques que je désapprouve ni dans ses tentatives sécessionnistes que je condamne.” Une position fruit d’une laïcité à géométrie variable dénoncent ses détracteurs.
Pour ce qui est de la “révolution citoyenne”, sa religion est faite. Est-elle en phase avec la place accordée aux citoyens dans l’Empire du Milieu? C’est une autre histoire. Pour l’heure, il n’a pas encore réagi aux remerciements de Pékin “pour son soutien constant à la politique d’une seule Chine”. Accepter le “baiser du Diable” pourrait faire douter certains de ses croyances en la démocratie directe qu’il ne cesse de professer au sein de LFI et de la Nupes.