DECRYPTAGE. “Fin de l’abondance” selon Emmanuel Macron : erreur de communication ou stratégie politique ?

l’essentiel Le ton prophétique et sombre du Président, lors de l’ouverture du Conseil des ministres mercredi 24 août, n’a pas manqué d’irriter les oppositions. Interrogé par La Dépêche, Philippe Moreau-Chevrolet, spécialiste en communication, y voit un “discours paternaliste” dans lequel “on ne sait pas à qui il s’adresse”.

Le discours détonne et les annonces sont particulièrement sombres. Lors du Conseil des ministres du mercredi 24 août, qui marque la rentrée politique du gouvernement, Emmanuel Macron a tenu à prendre la parole, évoquant “la fin de l’abondance, de l’insouciance et des évidences”. Une formule qui n’a pas plu à l’opposition, et qui “n’était pas adaptée au contexte politique”, d’après Philippe Moreau-Chevrolet, spécialiste en communication et PDG de MCBG Conseil, interrogé par La Dépêche.

La Dépêche du Midi : L’emploi de l’expression “fin de l’abondance” a fait polémique… est-ce une erreur de communication ou une stratégie bien réfléchie ?

Philippe Moreau-Chevrolet : C’est une erreur de communication selon moi. Ce discours renvoie à un clivage qui est en ce moment très exacerbé autour de l’argent et des efforts qu’il faut faire face aux changements climatiques. Or ce n’est pas le moment de tenir ce discours, de parler “d’abondance” et “d’insouciance”. Ça paraît complètement décalé, notamment car il le fait depuis l’Elysée, avec un décor magnifique. C’est quelque chose qu’il aurait fallu faire complètement différemment pour que ce soit compris et que le message ne soit pas mal interprété.

Qui est visé derrière ce message ?

Justement on ne sait pas à qui il parle. Certains imaginent qu’il s’adresse aux écologistes, d’autres aux élites ou encore à la droite. Je pense qu’il essaie de dominer la situation, de montrer qu’il la maîtrise et qu’il la comprend. Une manière de reprendre un peu la main, sachant que l’actualité est complètement dominée par l’opposition sur des thématiques qui lui échappent – l’affaire du karting en prison, les jets privés. Il essaie de donner une image un peu en hauteur, prophétique presque, où il délivre un message souverain afin de montrer qu’il maîtrise ce qui nous arrive.

Ce qui est très maladroit dans la forme car cela fait près de trois ans que les Français sont dans un climat anxiogène. Donc tenir ce discours-là, ce n’est franchement pas heureux. D’autant plus qu’il s’adresse un peu comme on le fait avec des enfants, alors qu’il aurait mieux valu parler à des adultes, privilégier un discours direct et moins paternaliste.

L’opposition et l’opinion publique lui en ont souvent reproché cette attitude : ne s’était-il pas corrigé sur ce plan lors du précédent quinquennat ?

On avait surtout le sentiment que le fait d’avoir perdu la majorité au Parlement allait l’amener vers plus de modestie dans le propos, vers une attitude plus bienveillante. Au contraire, on a un président qui, depuis la rentrée, est ultra-interventionniste avec un discours extrêmement vertical. Je ne sais pas s’il cherche l’affrontement avec les oppositions pour exister, ou bien s’il cherche à donner l’impression qu’il domine alors que ce n’est plus le cas.

En tous les cas, il a perdu la maîtrise et ce message un peu souverain n’est pas adapté à la réalité politique d’aujourd’hui. Je pense qu’il aurait plutôt intérêt à mettre en avant sa Première ministre et lui se préserver un peu.ais visiblement ce n’est pas son choix. Il a une vision très héroïque de sa fonction.

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