Macron, la rentrée de toutes les crises

Si Emmanuel Macron aime se mettre en scène, le « président des crises » reste son rôle préféré. L’été lui en aura fourni un certain nombre, entre les suites de la crise ukrainienne, les quatre vagues caniculaires, les sécheresses et les incendies qui ont ravagé le pays et éclairé cruellement les incuries de la France dans la lutte contre les conséquences du réchauffement climatique. Alors, le 19 août, dans le Var, la voix empreinte de la gravité que requiert la Grande Histoire, dont il estime être un des continuateurs, Emmanuel Macron était à deux doigts de singer Churchill et de promettre « du sang et des larmes » aux Français. Finalement, ce sera un appel à la « force d’âme » et à « accepter de payer le prix de la liberté ». Comprendre avant tout le coût de l’invasion russe en matière énergétique.

un Plan de sobriété énergétique

Autant dire que le gouvernement Borne est en terrain miné en cette rentrée, alors qu’un premier Conseil des ministres se tient ce mercredi 24 août. L’exécutif a de quoi trembler. S’il appelle à la « sobriété », avec un plan attendu pour septembre, c’est à la fois pour répondre à la demande d’action climatique et parce qu’il y a un « risque de pénurie de gaz cet hiver », comme l’a admis, mi-juillet, le porte-­parole Olivier Véran, alors que plane la menace d’un arrêt des livraisons russes. Face à cela, la Commission européenne a pressé les États de l’UE de réduire de 15 %, entre le 1er août 2022 et le 31 mars 2023, leur consommation de gaz, par rapport à leur consommation moyenne au cours des cinq dernières années. Le commissaire européen Thierry Breton s’est voulu rassurant, estimant que les stocks du Vieux Continent permettraient de tenir « 54 jours » (ce qui est insuffisant en cas d’hiver long et très froid). La France peut, du reste, compter sur son parc nucléaire pour assurer sa production d’électricité, mais 27 réacteurs sur 56 étaient à l’arrêt en juin, entre autres du fait d’une maintenance programmée ou de problèmes de corrosion…

Le dossier est politiquement brûlant pour Emmanuel Macron : une pénurie énergétique serait une catastrophe sociale. D’autant qu’elle s’ajouterait à la hausse des coûts de l’essence et du gaz, qui pèse sur les ménages. Malgré une chute récente du prix du baril, le prix à la pompe s’établit en cette fin d’été autour de 1,70 euro le litre, en prenant en compte la ristourne du gouvernement et celle de Total dans les stations concernées. En 2018, pour rappel, les gilets jaunes avaient investi les ronds-points lorsque le prix de l’essence avait dépassé 1,50 euro…

Expérimentation du RSA conditionné

Malgré cette crise énergétique et sociale qui couve et se superpose à la crise climatique, dont on ressent chaque année un peu plus les effets dans notre quotidien, la majorité entend bien « avancer » sur ses réformes. Quitte à rajouter de la crise à la crise. Pour commencer, il y a le dossier de l’assurance-chômage. L’exécutif a déjà annoncé qu’il souhaitait adapter la durée et les montants des indemnités de chômage en fonction de la croissance et du nombre d’emplois disponibles. Ce texte, qui s’inspire du « modèle » canadien, devrait arriver à l’Assemblée nationale en octobre. La réforme du RSA, qui devra être conditionné à 15 à 20 heures d’activités hebdo­madaires, devrait être expérimentée dans 5 à 10 territoires pilotes, afin de la généraliser en 2024. Enfin, la réforme des retraites est toujours dans les cartons, avec l’été 2023 comme horizon, selon le ministère du Travail (les discussions doivent commencer après la mise en place du Conseil national de la refondation, nouvelle instance de « concertation », le 8 septembre). La saison 2022-2023 de la Macronie se jouera donc plus que jamais sur le terrain social, où les syndicats l’attendent de pied ferme.

Essence trop chère, potentiel ration­nement sur le gaz, inflation, réformes antisociales… avec cela, vous prendrez bien un débat rance sur l’immigration ? Si le projet de loi porté par Gérald Darmanin a été reporté, le gouvernement a annoncé une concertation sur le sujet à partir de septembre et un grand débat parlementaire. Avec une partie des bancs LR et surtout 89 députés RN prêts à surenchérir dans l’obscénité, la séquence s’annonce salée à l’Assemblée nationale. D’autant que l’intenable ministre de l’Intérieur a occupé son été à leur paver la voie, assumant de faire le lien entre « personnes immigrées » et « délinquance », remettant en question le droit du sol à Mayotte (le RN est ravi), et suggérant de créer des « camps de redressement et de rééducation » encadrés par des militaires pour les mineurs délinquants, toujours sur l’archipel. Bref, Emmanuel Macron peut être heureux : lui qui aime les crises, il va être servi. C’est même la Macronie qui les produit.

Comments (0)
Add Comment