Orange Bank creuse ses pertes

Orange Bank creuse ses pertes

C’est un lourd fardeau à porter pour un groupe de télécoms, lui-même en proie aux transformations de son secteur. Depuis son lancement en 2017, Orange Bank a fait perdre à sa maison mère environ 880 millions d’euros. Au premier semestre, la filiale du géant français a en effet affiché une perte d’exploitation de 80 millions d’euros, peut-on lire dans les résultats publiés par le groupe début août.

Un chiffre qui pose question même si la filiale bancaire assure qu’elle atteindra la rentabilité en 2024. En effet, si la division de Services Financiers Mobiles du groupe poursuit l’année sur cette trajectoire, ses pertes annuelles pourraient atteindre 160 millions d’euros, soit quasiment le montant des pertes enregistrées en 2021.

Pour la banque, c’est le prix de la croissance. Elle a conquis 600.000 nouveaux clients depuis le début de l’année, pour un total de 2,6 millions, dont 1,8 en Europe (elle est aussi présente en Afrique). Chez Orange Bank, on déplore d’ailleurs régulièrement que l’attention soit portée sur ses pertes plutôt que sur sa croissance, comme c’est le cas pour d’autres néobanques comme Revolut ou N26, elles aussi déficitaires.

Nouvelles offres

La néobanque préfère mettre l’accent sur sa montée en gamme avec une production de 100 millions d’euros de crédit par mois, le lancement en cours de nouveaux crédits à la consommation avec la fintech Younited et de nouvelles offres d’assurances ou encore les gains de productivité réalisés à travers le déploiement d’une nouvelle plateforme informatique et des partenariats avec d’autres fintechs.

« Orange Bank met l’accent sur des produits plus profitables, explique Pierre Lahbabi, président du cabinet de conseil Galitt. Mais est-ce que cela suffira pour se différencier des autres acteurs du secteur ? » La banque n’a pas souhaité faire de commentaire.

« Difficile de comparer Orange Bank à une néobanque, ajoute une source du secteur. Adossés à un groupe de la taille d’Orange, ils n’ont ni l’agilité d’une start-up, ni une identité marquée comme les néobanques qui se sont développées sur les paiements internationaux, une clientèle jeune ou des produits spécifiques comme les cryptos. »

La nouvelle perte semestrielle s’inscrit dans un contexte délicat pour Orange. L’année dernière, Groupama lui a cédé les 21,7 % qu’il détenait encore dans la néobanque. L’assureur mutualiste a jeté l’éponge face à la nécessité de recapitaliser une nouvelle fois : Orange y a réinjecté 230 millions d’euros fin 2021, après 89 millions un an plus tôt.

Problème, Orange n’est pas parvenu à lui trouver un remplaçant. BNP Paribas, un temps pressenti, n’a pas jugé les conditions satisfaisantes. Il faut dire que le marché de la banque de détail en France est éprouvant. Le néerlandais ING et le britannique HSBC ont également abandonné leurs ambitions en la matière, transférant leurs clientèles à Boursorama (filiale de Société Générale) et MyMoneyBank (contrôlé par le fonds Cerberus).

Nouvelle ère

La question pourrait aussi se poser pour Orange Bank. Avec le départ de Stéphane Richard, l’ancien patron du groupe qui croyait dur comme fer à la convergence entre télécoms et services financiers, une nouvelle ère vient de s’ouvrir.

Sa successeur, Christel Heydemann, a annoncé le lancement d’une revue stratégique, sans que soient précisés les éléments qui seront mis en vente. Avec les pertes accumulées depuis son lancement, Orange Bank pourrait faire partie du casting, même si, en tant que membre du conseil d’administration, l’ancienne dirigeante de Schneider Electric a porté les décisions passées du groupe concernant sa filiale bancaire.

« On voit difficilement comment Orange pourrait ne pas se désengager, glisse un connaisseur du secteur. A la différence de Boursorama ou Nickel (filiale de BNP Paribas), deux de ses principaux concurrents, qui sont adossés à des groupes dont la banque est le coeur de métier, la question de la pertinence d’Orange Bank au sein du groupe de télécoms ne va cesser de revenir sur la table tant que la rentabilité n’est pas là. »

Théoriquement, le portefeuille de clients pourrait intéresser ses concurrents Nickel ou Boursorama. Mais dans un contexte de marché qui reste tendu, le groupe de télécoms pourrait être contraint de payer l’acheteur, comme HSBC a dû le faire avec MyMoneyBank. Pour Orange, le seul bénéfice serait alors de tourner la page.

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