La priorité donnée à la réduction des coûts et à l’amélioration de la trésorerie, observée au sein de nombreuses entreprises depuis la crise du Covid-19, a amené la plupart des directions des achats à remettre en cause les évolutions observées ces dernières années, qui avaient jusqu’alors favorisé des relations plus équilibrées, collaboratives et partenariales avec les fournisseurs.
Si elles s’avèrent améliorer effectivement à court terme la situation financière des « donneurs d’ordre » – triste expression à la vie dure – , cet infléchissement, au-delà de son caractère éthique discutable, a toutes les chances de se révéler perdant à long terme.
Difficultés de trésorerie
De 2005 à 2018, les délais de paiement avaient connu, en France comme dans le reste de l’Europe, une diminution constante. Quelques mois avant la pandémie de Covid-19, toutefois, les entreprises françaises avaient commencé à creuser l’écart sur ce point avec leurs homologues européennes, car les retards de paiement avaient en effet commencé à y augmenter.
Ils ont littéralement explosé au moment du premier confinement, comme dans toute l’Europe, avant un retour assez rapide à la normale. Sauf en France, où une nouvelle « normalité » a vu les entreprises procéder à un retour en arrière d’une dizaine d’années, retrouvant les délais de paiement moyens des années 2010. C’est ce que révèle la dernière édition de l’Observatoire des délais de paiement de la Banque de France, qui souligne également des différences sectorielles marquées.
Par exemple, dans l’hôtellerie et la restauration, alors que les flux de clientèle se sont taris brusquement, les paiements des fournisseurs ont été massivement décalés en réponse aux difficultés de trésorerie rencontrées.
A l’été 2020, les PME de moins de deux cents salariés décalaient leurs paiements de quatorze jours, tandis que les PME et les entreprises de taille intermédiaire (ETI) de moins de mille salariés les décalaient de seize jours et les grandes entreprises, de plus de mille salariés, au-delà de dix-huit jours. L’écart se réduisait fin 2020, mais, dès 2019, donc avant le Covid-19, les grands groupes retardaient en moyenne leurs paiements de 1,3 jour par rapport à l’année précédente.
Les effets de la loi de modernisation de l’économie de 2009, qui visait entre autres la réduction des délais et des retards de paiement, avaient déjà commencé à se dissiper. Le Covid-19 les a réduits à néant. L’étude de la Banque de France souligne que l’augmentation des délais de paiement procède d’un comportement délibéré : les entreprises aux « pratiques les moins vertueuses » ne consacrent clairement pas les mêmes efforts à faire payer leurs clients qu’à payer leurs propres fournisseurs, cherchant à améliorer leur trésorerie au détriment de celle de leurs fournisseurs.
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