Analyse. Sans le classement de Shanghaï, le milieu universitaire français n’aurait pas connu tant de réformes ces quinze dernières années. Lorsqu’elle publie son premier palmarès, en août 2003, l’université Jiao Tong de Shanghaï donne naissance à un nouveau marché mondial et entérine l’idée qu’il est normal d’établir une hiérarchie entre des établissements.
Sur quels critères ? Les standards des universités nord-américaines, Harvard en tête, fondés sur le nombre de publications scientifiques, prix Nobel et médailles Fields. Depuis, chaque été, les pays scrutent les performances de leurs leaders. Notamment en France, où le classement a eu pour effet d’objectiver l’idée, ancienne, que l’université est en retard.
La réponse politique est venue en 2007, avec la loi sur les libertés et responsabilités des universités, qui vise à sortir de « la paralysie de la gouvernance actuelle » et à « rendre la recherche universitaire visible à l’échelle internationale ».
Ces deux mots d’ordre, qui incitent aux regroupements entre universités, grandes écoles et organismes de recherche, seront suivis par les gouvernements successifs. Pour être « visible », il faut être gros et compter de multiples chercheurs dans les sciences dures – les seules prises en compte par le classement de Shanghaï.
Un jeu de construction
En 2018, cette politique va toucher au but : Shanghai Ranking, le cabinet de consultants qui réalise le classement, réticent jusqu’alors à reconnaître les regroupements, accepte de considérer les « établissements publics expérimentaux », nouveau jeu de construction institutionnel adopté aussitôt en France par des structures qui se transforment en regroupements d’établissements.
Parmi eux, Paris-Saclay, qui rassemble une université, quatre grandes écoles, sept organismes de recherche, soit 13 % de la recherche française. La promesse va plus loin, avec l’intégration annoncée, pour 2025, des universités de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines et d’Evry. La récompense arrive depuis la Chine : le vaisseau amiral se classe 14e mondial en 2020, 13e en 2021, 16e en 2022.
L’université française a trouvé la martingale pour percer, se félicite le gouvernement. Le 15 août 2022, Sylvie Retailleau, ministre de l’enseignement supérieur, salue dans le classement de Shanghaï « un tournant pour la visibilité internationale des universités ». Avant de quitter Paris-Saclay, qu’elle présidait depuis 2018, elle a pourtant eu soin de modifier la feuille de route : les universités de Versailles et d’Evry ne fusionneront pas dans Paris-Saclay.
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