Universitaires en même temps qu’avocats : la prime qui fait débat

L’affaire a été rondement menée, comme une bonne plaidoirie. Devant le Conseil d’Etat, la petite – mais influente – communauté des universitaires exerçant en parallèle en tant qu’avocat et consultant juridique a remporté une bataille contre le ministère de l’enseignement supérieur. Le 28 septembre, la haute juridiction administrative a annulé une disposition de la loi de programmation pour la recherche, portée par l’ancienne ministre de l’enseignement supérieur, Frédérique Vidal, promulguée le 24 décembre 2020.

Un décret découlant de cette loi prévoyait que les enseignants qui exercent une profession libérale en sus de leurs obligations de services universitaires ne puissent prétendre à des primes nouvellement instaurées par le « régime indemnitaire des personnels enseignants-chercheurs » (Ripec). Celui-ci alloue aux enseignants une part statutaire, selon leur grade, ainsi qu’une part fonctionnelle, entre 6 000 et 18 000 euros par an, en récompense de l’exercice de responsabilités d’encadrement au sein des facultés.

Piqués au vif par ce qu’ils assimilaient à une injustice, une quinzaine de professeurs et maîtres de conférences qui exercent en libéral comme consultants et avocats ont aussitôt affûté leurs arguments juridiques et rédigé – simple formalité – plusieurs recours, pour excès de pouvoir, devant le Conseil d’Etat.

Dans son arrêt du 28 septembre, le Conseil d’Etat leur donne entièrement raison, tant pour l’obtention de la part statutaire que de la part fonctionnelle du Ripec, au motif que la différence entre les universitaires exerçant une profession libérale et ceux qui ne poursuivent pas une telle activité en complément de leur activité principale n’a aucun rapport avec l’objet du texte instituant ces indemnités. Au surplus, le décret attaqué crée une différence de traitement entre universitaires contraire au principe d’égalité.

« Moralisation » des cumuls

Le ministère de l’enseignement supérieur doit donc rétablir dans leurs droits les « cumulants », nombreux dans les facultés de droit, mais aussi, à la marge, enseignants en psychologie, gestion ou disciplines sportives, disposant de cabinets privés de consultation. « La victoire est totale », se félicite Laurent Gamet, l’un des requérants, avocat et doyen de la faculté de droit de l’université Paris-Est Créteil (UPEC), où plus de la moitié des troupes exerce aussi en libéral.

Reste que la décision, qui a les atours de l’équité, pose des questions d’ordre éthique dans le milieu universitaire. Gagner sa vie – parfois très bien – dans le privé ne doit-il pas exclure ces enseignants des avantages revenant aux fonctionnaires ? « Il est de très ancienne tradition que, dans ces cas de cumul, les intéressés ne peuvent accéder à certains échelons ou indemnités, du fait qu’ils disposent de revenus accessoires, souvent élevés, et ne consacrent pas l’ensemble de leur temps libre pour faire de la recherche – en principe la moitié de leur temps de travail », expose Bernard Toulemonde, agrégé de droit public, ancien professeur à l’université de Lille.

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