En Angleterre, l’indispensable soutien des « charities » à l’hôpital public

Cher au cœur des Britanniques, en trois lettres ? HRH ou NHS, au choix. Mais « Her Royal Highness », la reine d’Angleterre, n’est plus de ce monde et le National Health Service, le service national de santé, se trouve en piteux état. En dépit de son délabrement, l’affection du pays pour l’hôpital public, gratuit, ne se dément pas – comme on chérirait le dernier lambeau de l’Etat-providence. En pleine tourmente du Covid-19, on s’arrachait le tee-shirt aux trois lettres blanches inclinées sur fond bleu, le logo du NHS depuis les années 1990. C’est pourtant durant cette pandémie que de nombreux malades du cancer n’ont pu être diagnostiqués, ni traités en temps utile. Et la maladie a repris le dessus.

S’il ne fait bon être cancéreux nulle part, l’Angleterre connaît l’une des pires situations d’Europe. Ce « manque à soigner », malgré les plans Cancer de 2001, 2007 et 2015, fait l’objet de nombreuses statistiques. Leur triste point commun est que, depuis dix ans, les objectifs ne sont jamais remplis, en particulier celui du délai de soixante-deux jours entre le moment où un généraliste suspecte un cancer chez un patient et celui où ce dernier commence un traitement ou subit une opération. L’ambition de ne pas dépasser trente et un jours entre le diagnostic avéré et le début des soins n’est pas davantage satisfaite. Il n’y a jamais eu dans le pays, toutes pathologies confondues, autant de malades en attente de soins.

Tim Gardner, analyste chevronné de la Health Foundation et ex-fonctionnaire du ministère de la santé, situe le tournant en 2015, lorsque le gouvernement conservateur de David Cameron a décidé de freiner les investissements dans l’hôpital public. Quelques mois plus tard, le NHS annonce qu’il ne remboursera plus certains anticancéreux, sur la base d’un calcul étatique glaçant : une année de vie supplémentaire ne doit pas coûter plus de 30 000 livres (40 000 euros à l’époque).

Le comble du cynisme survient durant la campagne du Brexit, en 2016, lorsque les partisans conservateurs de la sortie de l’Union européenne (UE) lancent sur les routes des bus rouges flanqués de ce slogan : « Nous envoyons chaque semaine 350 millions de livres [435 millions d’euros] à l’Union européenne. Finançons plutôt le NHS. » Evidemment, pas un penny supplémentaire n’est allé à l’hôpital public. Mais les brexiteurs ont gagné, en utilisant illégalement le logo du NHS.

Troquer le NHS contre Uber

« D’un côté, la population vieillit, donc il y a de plus en plus de cancers. De l’autre, il y a de moins en moins d’investissements, de personnels et d’infrastructures. L’inexorable déclin des performances du NHS s’est évidemment accéléré pendant le Covid-19 », résume Tim Gardner. Même les infirmières du Royal College of Nursing, puissante organisation professionnelle, ont promis une grève avant la fin de l’année, fait rarissime dans une histoire centenaire. Beaucoup vivent sous le seuil de pauvreté.

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