Carcassonne. Aude : l’ex-élue sera jugée pour “corruption passive” et “trafic d’influence”

l’essentiel Élue carcassonnaise de 2014 à 2020, Yamina Mamou fait l’objet d’une plainte déposée en 2017, avec six parties civiles. Le juge d’instruction vient de décider d’un non-lieu pour des faits de “recel de détournement de fonds publics”, mais a ordonné le renvoi devant le tribunal correctionnel pour les deux chefs qui lui avaient valu sa mise en examen en juin 2020.

Cinq ans après l’ouverture d’une information judiciaire, et près de deux ans et demi après sa mise en examen pour des chefs de “corruption passive” et “trafic d’influence” et son placement sous statut de témoin assisté pour des faits de “recel de détournement de fonds publics”, l’ancienne élue carcassonnaise Yamina Mamou sait donc qu’elle devra – en partie – répondre de ces accusations devant la justice.

En cette fin décembre 2022, c’est à son domicile que l’ancienne conseillère municipale déléguée aux quartiers prioritaires, au dialogue social et à la résorption de la précarité (de 2014 à 2020, Ndlr), élue lors de la victoire aux municipales de l’équipe conduite par Gérard Larrat, a reçu l’ordonnance de règlement du juge d’instruction en charge de l’affaire. Un dossier au long cours, initié en janvier 2017 par la plainte simple adressée au procureur de la République de Carcassonne par Me Eric Morain, du barreau de Paris, avant une plainte avec constitution de partie civile en juin, entraînant la saisine d’un juge d’instruction, à l’automne 2017. Plus de cinq après, l’information judiciaire est donc achevée. Avec à la clé un non-lieu pour les faits de “recel de détournement de fonds publics” : pas de charges suffisantes, donc, pour des faits remontant à 2015-2016, et liés à un présumé recel d’une somme de plus de 61 000 € issue d’un détournement de fonds commis au préjudice de la communauté de communes Région lézignanaise Corbières Minervois.

Mais c’est en revanche bien un renvoi devant le tribunal correctionnel que le juge, sur la foi des charges suffisantes, ordonne pour les deux chefs qui avaient conduit à la mise en examen de l’ancienne élue municipale, qui avait également en 2017 porté les couleurs de l’UDI aux législatives. Un parti dont il est justement fait mention dans cette affaire, dont les faits présumés courent de début 2014 à mi-2020.

Accès à un emploi en mairie ou soutien à des candidatures à des logements sociaux

Car c’est bien en échange de fonds et d’adhésions à l’UDI, ou encore de réalisation d’opérations de distributions de tracts que Yamina Mamou aurait abusé de son mandat électif, pour faciliter ou tenter de faciliter l’accès à un emploi en mairie de deux personnes, fondant ainsi la mise en examen pour “trafic d’influence”. Du côté de la “corruption passive”, c’est sur la fonction de déléguée titulaire représentant la municipalité au sein de la commission d’attribution de logements du bailleur social Alogea qu’occupait Yamina Mamou que se fonde le renvoi : avec cette fois, toujours en échange de gestes à son profit, un soutien à des candidatures formulées par une dizaine de Carcassonnais.

Associée de Me Morain, et conseil des six parties civiles liées à l’affaire, Me Myriam Mayel disait le mardi 27 décembre sa satisfaction “que cette ordonnance de règlement, avec un renvoi devant le tribunal, soit enfin rendue. La procédure aboutit après une longue enquête, qui a permis de réunir beaucoup d’éléments à charge. Et nous attendons évidemment avec impatience le procès”. Une impatience que manifestait également Yamina Mamou, ce même 27 décembre. Car comme son avocat Me Olivier Morice (*) l’avait fait en 2020, évoquant une “manœuvre politique” et pointant “l’extrême légèreté” des éléments qui avaient “permis sa mise en examen”, l’ancienne élue veut encore voir dans l’affaire une “machination. Je suis sereine, car je vais enfin pouvoir me débarrasser de cette affaire. Je suis innocente. Je connais certaines personnes qui m’ont accusée, je les ai rencontrées dans le cadre de mes fonctions associatives ou de mes mandats ; mais d’autres me sont inconnues. Ce qui est certain, c’est que j’ai tiré un trait sur la politique : il y a trop de coups bas. Je redis que ce dossier est vide. La seule victime, dans cette affaire, c’est moi. Et je le prouverai.” Une ambition qu’elle devra donc traduire lorsque viendra l’heure du procès. Une échéance jusqu’à laquelle elle fera toujours l’objet d’un contrôle judiciaire, dont le juge d’instruction a ordonné le maintien.

(*) Nous avons tenté en vain de joindre le cabinet de Me Morice.
Toute personne suspectée ou poursuivie est présumée innocente tant que sa culpabilité n’a pas été établie. Un appel de l’ordonnance de règlement est possible dans un délai de 10 jours, avec, le cas échéant, un examen par la chambre de l’instruction de la cour d’appel.

Corruption et trafic d’influence, quelles différences ?

La corruption passive est le fait, par une personne dépositaire de l’autorité publique, chargée d’une mission de service public, ou investie d’un mandat électif public, de solliciter ou d’agréer, sans droit, à tout moment, directement ou indirectement, des offres, des promesses, des dons, des présents ou des avantages quelconques pour elle-même ou pour autrui pour accomplir ou avoir accompli, pour s’abstenir ou s’être abstenue d’accomplir un acte de sa fonction, de sa mission ou de son mandat ou facilité par sa fonction, sa mission ou son mandat.Le trafic d’influence repose, lui, sur le fait d’abuser de son influence réelle ou supposée en vue de faire obtenir des distinctions, des emplois, des marchés ou toute autre décision favorable.Les deux délits sont punis de 10 ans d’emprisonnement et 1 M€ d’amende selon le Code pénal.