Sur ce banc de touche où il ne s’assoit jamais, Kylian Mbappé a plongé sa tête sous son maillot et éteint la lumière. A ce moment précis du dimanche 18 décembre, quelques minutes après voir vu sa quête d’une deuxième victoire en Coupe du monde s’envoler à l’issue d’une finale aussi crève-cœur qu’inoubliable (3-3, 4-2 aux tirs au but), l’attaquant des Bleus n’aspire qu’à la solitude ou à fuir très loin de ce stade de Lusail, devenu une piste de danse argentine. Mbappé avait fait de ce tournoi une « obsession » et justifié ainsi son vœu de silence, brièvement brisé après la victoire contre la Pologne en huitième de finale.
A quelques mètres de lui, un autre enfant de Bondy (Seine-Saint-Denis) marche sans but précis. A un pied près, celui salvateur du gardien de l’Argentine, Emiliano Martinez, en fin de prolongation, Randal Kolo Muani a manqué de terminer en héros français un Mondial commencé un mois plus tôt dans une chambre d’hôtel à Saitama (Japon), à plus de 8 000 km du Qatar. Ce 15 novembre, le joueur est sorti de sa couette par un appel matinal de Didier Deschamps. Le sélectionneur lui demande de prendre le premier Tokyo-Doha pour remplacer Christopher Nkunku, blessé lors du seul entraînement collectif au centre de Clairefontaine (Yvelines).
L’histoire de l’ancien attaquant du FC Nantes, aujourd’hui à Francfort (Allemagne), forme une parabole, celle d’une équipe née dans la contrainte, celle des blessures. Un tiers de ses titulaires sont sur le flan avant même le premier match (Kimpembé, Pogba, Kanté et Benzema). Une équipe championne du monde en titre mais trop jeune, trop fragile, mal fagotée par son sélectionneur au moment de poser sa liste, avec trop de défenseurs axiaux et pas assez de latéraux. Pourquoi Kolo Muani d’ailleurs ? Pourquoi pas un Martin Terrier par exemple ? Mais, buteur sur son premier ballon contre le Maroc en demi-finale, Kolo Muani est finalement l’homme inattendu du sursaut face à l’Argentine, celui qui arrache le penalty de l’espoir à 2-0 quand le sort – une finale ratée dans les grandes largeurs – paraissait scellé.
Les Bleus ont perdu, mais ils ont gagné un peu de romantisme, et c’est plutôt inattendu. Parce qu’ils ont parfois battu meilleurs qu’eux (l’Angleterre en quart de finale par exemple), certains leur ont trouvé un côté ouest-allemand. Cette RFA qui gagnait toujours à la fin. Comme à Séville en 1982, contre les Bleus de Michel Platini. Dans un pays qui voit encore les fantômes de cette demi-finale perdue, Lusail 2022 ponctue la trajectoire d’une équipe capable de presque tout défier : la malchance, les critiques, la logique, l’adversité et même un virus de dernière minute. « C’est l’ensemble du groupe qui a subi depuis un petit moment une situation. On l’a gérée au mieux. Je n’avais pas la moindre inquiétude sur les joueurs qui ont commencé le match », évacue Didier Deschamps au sujet de ce mystérieux mal qui a frappé plusieurs de ses cadres comme Dayot Upamecano, Adrien Rabiot et Raphaël Varane.
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