« Le “Qatargate”, si déplorable qu’en soit l’éclaboussure, nous offre l’occasion d’une réflexion sur les impasses institutionnelles de l’Europe »

« Qatargate » ! Le mot restera associé au scandale qui secoue le Parlement européen après la mise sous verrous de la vice-présidente [Eva Kaili] et de [Pier Antonio Panzeri], un ex-eurodéputé (dont l’ironie veut qu’il soit président de l’organisation non gouvernementale Fight Impunity !), soupçonnés d’être au cœur du système de corruption mis en place pour « influencer les décisions économiques et politiques » de l’Union européenne (UE) au profit d’un « pays du Golfe », selon le parquet fédéral belge.

Si elle ne survenait pas dans un contexte déjà tendu, l’affaire relèverait d’un fait divers qui, certes, très fâcheux, n’aurait au fond appelé qu’à faire le ménage dans l’institution. Mais c’est compter sans la caisse de résonance de tensions qui « crucifient » l’UE : tension Nord-Sud, au sein de la zone euro ; tension Est-Ouest, au sein de l’espace européen. A l’intersection, une divergence inquiétante entre la France et l’Allemagne.

La tension Nord-Sud est liée aux dispositifs naguère mis en place par le traité de Maastricht, au nom des critères de convergence ; dispositifs qui ont, au contraire, précipité et figé la divergence.

Quant à la tension Est-Ouest, elle tient à un malentendu sur les motifs de l’adhésion à l’UE et leurs implications normatives pour les nations membres.

Respect de l’Etat de droit

En regard de ce contexte, le « Qatargate » revêt une tout autre dimension. L’affaire tombe d’autant plus mal qu’elle advient au moment où l’on conditionne l’aide à la Hongrie au respect de l’Etat de droit, tandis que l’accusation de corruption entre en première ligne des motifs avancés par l’Union pour retenir la libération de ses aides financières et différer l’inclusion de la Bulgarie dans l’espace Schengen. Mesurer la portée de l’événement requiert une prise en considération du double contentieux qui nourrit les clivages.

Au sein de la zone euro, c’est l’opposition entre la « solidarité » réclamée au Nord par le Sud et la « responsabilité » opposée au Sud par le Nord. En soi, il n’y a pourtant aucune contradiction entre les principes de solidarité et de responsabilité. Il existe d’ailleurs une formule de synthèse : la « coresponsabilité », qui pourrait être institutionnalisée entre les Etats membres de la zone. Par exemple, l’Allemagne (le Nord en général) opérerait une relance budgétaire interne, et la France (le Sud en général) verrait ainsi son activité tirée en avant par ses exportations vers le Nord, sans devoir déséquilibrer ses finances publiques. Des tours de rôle d’excédents et déficits budgétaires contrôlés seraient synchronisés entre les partenaires sous l’autorité d’un véritable président de l’Union. Le mécanisme avait naguère été suggéré par l’économiste français Michel Albert, pour lancer un cycle vertueux de croissance dans la stabilité. Il préviendrait la propension centrifuge de l’Allemagne à délaisser le marché intérieur et la préférence communautaire au profit d’un déploiement tous azimuts.

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