Ce n’est pas la première fois que La France insoumise (LFI) se voit intenter un procès sur son manque de démocratie interne. Mais depuis que des figures du mouvement ont découvert par voie de presse que Manuel Bompard s’apprêtait à être désigné à la tête du mouvement tout en se voyant écartées de la nouvelle direction, elles ont décidé de monter publiquement au front. A l’image des députés Clémentine Autain et François Ruffin, qui ont été les premiers à fustiger le « verrouillage » de leur mouvement.
Comment est organisée La France insoumise ? Comment expliquer l’opacité et la verticalité qui la caractérisent ? Pourquoi fait-elle à nouveau l’objet de critiques internes aujourd’hui ? Manuel Cervera-Marzal, politiste et auteur de l’ouvrage Le Populisme de gauche. Sociologie de La France insoumise (La Découverte, 2021) explique au Monde comment une forme de « désorganisation est organisée » au sein du mouvement « insoumis » pour permettre « à un petit groupe de personnes de concentrer le pouvoir ». Il souligne les contradictions du discours politique de LFI face à « son extrême verticalité » et « opacité ».
Comment la structuration de LFI est-elle pensée depuis son lancement en 2016 ? A quoi correspond-elle dans les faits ?
LFI est d’abord un mouvement qui a été pensé par et autour de son leader, Jean-Luc Mélenchon. Il est donc caractérisé par sa forte dimension personnalisée et monolithique. M. Mélenchon l’a aussi pensé comme l’antithèse du Parti socialiste, estimant que les guerres de chapelle ont fini par tuer son ex-famille politique. C’est pourquoi en créant LFI, il a insisté sur le fait qu’il s’agissait non pas d’un parti, mais d’un mouvement.
En dehors de ces deux caractéristiques, il est difficile de définir véritablement ce qu’est LFI. En 2018, Jean-Luc Mélenchon avait affirmé que son mouvement était « gazeux », pour expliquer qu’il n’était « ni vertical, ni horizontal ». Pour moi, cette formule est un aveu sur l’opacité qui le caractérise : LFI est un nuage de gaz, où il est difficile de comprendre comment sont attribuées les fonctions et par qui sont prises les décisions.
Les instances et les règles sont inconnues et changent en permanence, créant une forme de désorganisation apparente. Mais cette désorganisation est organisée par la tête du mouvement : elle permet à un petit groupe de personnes de concentrer le pouvoir en entraînant le flou. Sur le plan territorial, elle se traduit par la faible implantation de LFI. Jusqu’alors, il était notamment interdit de créer des échelons d’organisation intermédiaires entre les sections locales et la coordination nationale, pour éviter toute baronnie locale.
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