Pelé est mort, mais Pelé est « immortel » : les médias du monde entier saluent le légendaire Brésilien décédé jeudi 29 décembre à 82 ans, unique vainqueur de trois Coupes du monde (1958, 1962 et 1970) et qui a donné au futebol ses heures de gloire et lettres de noblesse. Les images du « Roi » et les commentaires tournent en boucle sur les écrans de télévisions de la planète, inondent les réseaux sociaux et phagocytent la « une » des sites Internet des journaux avant leur parution.
« Deuil » pour le « roi immortel du football », titre le quotidien brésilien O Globo sur son site, avec des images du joueur sous le maillot national, notamment celle, iconique, où tout sourire, il lève le bras droit, porté par son coéquipier Jairzinho vu de dos avec son numéro 7, en finale du Mondial 1970.
« Pelé est mort, le football perd son roi », titre O Estado de S. Paulo, un joueur qui, selon la Folha de Sao Paulo, « a montré la puissance du sport et a repoussé les limites de la célébrité ». Sur le site de ce journal pauliste, Juca Kfouri fait l’éloge du « meilleur joueur de l’histoire » et cite l’écrivain Carlos Drummond de Andrade (1902-1987) : « Ce n’est pas difficile de marquer mille buts comme Pelé : ce qui est difficile, c’est de marquer un but comme Pelé. » Ce journaliste, qui fait autorité au Brésil, conclut ainsi sa belle nécrologie : « Non, ce n’est pas vrai que Pelé est mort. Celui qui est mort, c’est Edson » – le prénom d’Edson Arantes do Nascimento, dit Pelé.
En Argentine, pays de Diego Maradona et Lionel Messi, qui postulent eux aussi au titre officieux de meilleur joueur de tous les temps, Clarin voit en Pelé « la première grande star du football », un « grand parmi les grands ». « Le ballon pleure : Pelé est mort », titre Olé. Et le quotidien sportif argentin se montre beau joueur : « Au-delà de la rivalité qui existe entre l’Argentine et le Brésil, personne ne peut douter que Pelé était l’un des plus grands footballeurs de l’histoire, pour beaucoup le meilleur au-delà de Diego Maradona et Lionel Messi. Ce qui est certain, c’est qu’il a marqué une époque depuis ses débuts adolescent, à la fois avec Santos et l’équipe nationale du Brésil. »
Toujours en Amérique latine, la presse mexicaine privilégie l’image du « Rei » fêtant son troisième titre mondial en 1970, au stade Azteca de Mexico, porté par ses coéquipiers, torse nu et coiffé d’un sombrero. « Le football est en deuil », titre El Universal. En Equateur, El Universo de Guayaquil dit « adieu à Pelé, le “footballeur surnaturel” ».
« Visage mondial » du football
Aux Etats-Unis, pays bien moins porté sur le sport roi, le New York Times évoque la disparition du « visage mondial du soccer », qui « a aidé à populariser ce sport aux Etats-Unis », lors de son passage au Cosmos New York (1975-1977). « Le Brésil et le monde en deuil : il n’y avait qu’un Pelé », reconnaît le Washington Post, sur le site duquel la journaliste sportive Liz Clarke écrit : « On l’a surnommé le roi du football, mais c’est l’autre surnom de Pelé – la “Pérola Negra”, ou “Perle noire” – qui évoque le mieux l’intelligence rare qu’il renfermait dans son petit gabarit. »
C’est aussi ce talent hors du commun que magnifie Vincent Duluc dans L’Equipe (vingt-deux pages spéciales Pelé) : « Derrière la tristesse se cache le bonheur de l’avoir vu jouer, de l’avoir vu danser, même sur des images anciennes, et de l’avoir vu donner un autre sens au jeu le plus universel de la planète. » L’éditorialiste du quotidien sportif français achève sa colonne dans un soupir de « saudade » en pensant au numéro 10 brésilien et à la Coupe du monde 1970 : « Il était le plus grand, et elle était la plus belle. »
Le plus grand ? C’est aussi l’avis du Monde à propos du « monarque absolu du ballon rond ». « O Rei. Le roi, tout simplement. Avec l’ensemble de ses attributs. Sa couronne, jamais contestée, pas même par Cruyff, Platini, Maradona, Zidane, Messi ou Cristiano Ronaldo », avance Bruno Lesprit.
Libération, toujours guetté pour sa « une » lors des morts de personnalités, y propose une photo surprenante : on voit Pelé sur un terrain, en short et torse nu, mais un long manteau posé sur les épaules, et regardant en arrière (photo prise à Liverpool en 1966 après un Brésil-Portugal). Le titre « Seleciao » ménage un jeu de mots (« Seleçao » et « ciao ») et l’édito de Paul Quinio, titré « A jamais le premier », se plaît à imaginer Pelé parachever une « bande des quatre fantastiques » avec Diego Maradona, Johan Cruyff et George Best : « Ils sont si différents, ne se seraient sans doute pas entendus ici bas, dans un vestiaire, mais l’allégresse, le feu, la tactique, l’alcool, se mélangent là où ils sont désormais dans une harmonie extraterrestre, presque enfantine. »
Le plus grand ?
Alors, le plus grand ? « Pelé était meilleur que Messi, Maradona et Ronaldo ensemble », affirme Alfred Draxler, rédacteur en chef des sports du tabloïd allemand Bild. Die Zeit, toujours en Allemagne, rappelle que Pelé « commença pieds nus dans les rues de Bauru et devint le footballeur du siècle ».
« Je pensais que Messi était le meilleur de tous les temps, mais je me rends compte maintenant que c’est Pelé », assure John Carlin, du britannique The Times. Richard Williams, du Guardian, retient « la joie » qui émanait de Pelé : « La première superstar mondiale du football donnait le sourire à tout le monde et ses tours de passe-passe n’étaient jamais faits pour rabaisser ses adversaires. » « Pelé sera toujours associé au “beau jeu” – et personne ne l’a joué plus magnifiquement », affirme Phil McNulty de la BBC en chute de sa nécrologie.
« Pelé, la “perle noire” qui a enchanté le monde, n’est plus », titre The Times of India. « Légende absolue », abonde Aujourd’hui le Maroc. Au Kenya, le Daily Nation salue la « première star mondiale du football », dont le décès signe la « fin d’une époque ».
Tonalité similaire en Espagne, où El Pais célèbre « Pelé, le football mondial en quatre lettres ». La Vanguardia évoque « la dernière grande légende du football mondial », et Marca met en valeur sur son site le portrait du jeune Pelé avec une couronne sur la tête, la mention « 1940-2022 » et un liseré noir, couleur du deuil. Le quotidien sportif met aussi en lien la vidéo « qui montre que toutes les grandes actions de Cruyff, Zidane, Messi… Pelé les avait déjà inventées ».
El Mundo remémore « les deux plus beaux buts de l’histoire », regrettant qu’on « ne peut pas les voir » faute du moindre enregistrement vidéo : un but en 1959, à l’issue de quatre coups du sombrero, et un autre en 1961, lorsque Pelé reçoit le ballon devant sa surface, élimine sept adversaires et marque son but.
« Le monde du foot perd son “Rei” », déplore La Stampa, en Italie. Sur le site du quotidien turinois, Matteo Giusti commence son article avec une citation attribuée à l’écrivain brésilien Jorge Amado : « Si le football ne s’était pas appelé ainsi, il aurait dû s’appeler Pelé. »