« Eviter au maximum d’avoir besoin de soins en favorisant la santé et le bien-être »

Notre système de santé, entend-on partout, est en crise. Mais c’est inexact. Ce qui est en crise, ce n’est pas un système de santé, c’est-à-dire un système qui aborde la santé dans toutes ses dimensions avec pour objectif premier d’éviter la maladie, mais un système de soins. Et, au surplus, essentiellement fondé sur les soins médicaux.

Il y a à cela diverses raisons historiques qui ont favorisé le modèle biomédical de la santé : lutte victorieuse contre les maladies infectieuses, spectaculaire progrès des instruments et de l’imagerie, facilité du financement à l’acte et de la tarification à l’activité, faiblesse de l’approche par forfaits ou de tarifs pour la prévention, adhésion des médecins à une source de revenus prévisible et assurée par le paiement des actes, rémunérations en outre garanties par le malthusianisme de la formation (le numerus clausus à l’œuvre durant presque un demi-siècle même si là n’était pas son seul but), croyance dans le progrès infini de la médecine et de la pharmacie ainsi que dans les capacités sans limites de paiement de nos assurances sociales, délaissement dramatique de la santé mentale, car peu accessible à la normalisation des actes.

Bref, un système qui date et dont les tares, pourtant congénitales, ont longtemps été ignorées : du fait du paiement à l’acte, renforcement de la concurrence en lieu et place de la coopération des établissements de santé entre eux et avec la médecine de ville ; inadaptation aux maladies chroniques et dégénératives aujourd’hui dominantes ; manque de moyens pour la recherche ; inégalités sociales et territoriales grandissantes ; faiblesse de la santé dans l’éducation ; égoïsme de la consommation de soins et méconnaissance des conditions de la solidarité.

Fonctionnement en tuyaux d’orgue

L’heure est grave, et la crise se signale d’abord par le manque inquiétant de médecins et d’infirmiers à l’hôpital comme en ville. Des spécialités sont sinistrées : psychiatrie, cardiologie, rhumatologie, gynécologie, pédiatrie et bien d’autres. Partout les délais pour obtenir un rendez-vous s’allongent… à six mois, à un an… conduisant à des situations dramatiques et – cela commence à être sérieusement documenté – à des pertes de chance de survie.

Ajoutons-y des difficultés d’approvisionnement en certains médicaments de très grand usage. La crise est profonde, systémique, touchant tous les aspects de notre système de soins. Ce n’est pas demain que cela changera. Quand bien même ce serait possible, il y faudrait du temps. Soudain, on se rend compte que ce ne serait pas plus mal d’éviter au maximum d’avoir besoin de soins en favorisant la santé et le bien-être.

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