« Parlez-vous le Parcoursup ? » : l’illusion du choix d’entrée dans l’enseignement supérieur

Livre. Depuis 2018, Parcoursup n’est pas seulement une plate-forme d’affectation dans l’enseignement supérieur. C’est aussi une langue dont les locuteurs – la cohorte de bacheliers de l’année – acceptent de jouer un rôle somme toute accessoire.

Dans Parlez-vous le Parcoursup ?, l’enseignant en lettres modernes Johan Faerber nous invite à le suivre dans une dissection de ce langage nouveau. Le parti pris est assumé : Parcoursup est « un coup d’Etat numérique » pensé par Emmanuel Macron, exécuté par son « homme de main » l’ancien ministre de l’éducation nationale Jean-Michel Blanquer et par sa « contremaître » l’ancienne ministre de l’enseignement supérieur Frédérique Vidal.

« Coup d’Etat » ? Oui, argue l’auteur, par « le renversement de l’ordre républicain » que la plate-forme a entraîné alors que « mériter des études était jusque-là un dû par l’obtention du bac ». Parcoursup restera « le cheval de Troie numérique de la sélection à l’université, comme si triomphait à retardement la loi Devaquet [un projet de réforme de l’enseignement supérieur abandonné en 1986] ». S’il y avait un nombre suffisant de places dans l’enseignement supérieur, Parcoursup n’aurait eu aucune raison d’exister, « or pendant plus de vingt ans rien n’a été fait ». En 1990, le plan Université 2000 de Lionel Jospin avait pourtant permis la création de huit nouvelles universités et de vingt-quatre IUT, lors de la première explosion démographique scolaire.

Sous la plume de Johan Faerber, « Parcoursup, c’est Germinal mais à l’heure de l’Apple Store », « un ennemi impossible à combattre par son caractère dématérialisé », avec « l’anxiété comme algorithme social ».

Une « lutte des classes » numérique

Le lecteur envisage aisément la « culpabilisation » des candidats lorsqu’ils sont mal placés sur les listes d’attente de formations universitaires présentées comme non sélectives. Il se perd, en revanche, lorsque l’auteur voit, dans la lettre de motivation rédigée pour chacun des vœux formulés, un « paradigme des objectifs néocapitalistes » qui implante « une domination culturelle, quotidienne et systémique des valeurs et prérogatives de la classe dirigeante ».

Le « coup d’Etat » s’accompagne nécessairement d’une « lutte des classes », elle aussi passée à l’ère numérique. Johan Faerber la situe « au sein du corps enseignant lui-même, entre les enseignants du secondaire et un nombre non négligeable d’enseignants du supérieur » à qui Parcoursup permettrait de « restaurer symboliquement une place dominante, quand l’université française n’en finit plus de perdre intellectuellement son prestige ».

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