« Pour la Syrie, les bénéfices à tirer de la reprise des relations avec la Turquie paraissent bien maigres »

La rencontre entre les ministres turc et syrien de la défense, à Moscou, le 28 décembre 2022, la première depuis le début du soulèvement syrien, en 2011, marque une étape importante dans les relations entre les deux pays. Elle pourrait être suivie d’ici à la fin du mois de janvier par une rencontre entre les ministres des affaires étrangères, ce qui donnerait un caractère plus politique à la reprise des relations bilatérales en montrant qu’elle dépasse le simple cadre de la coopération sécuritaire.

Si surprenant que cela puisse paraître au vu de l’isolement international du régime syrien, cette rencontre fait suite à des mois de pressions de la part du président turc sur son homologue russe pour que celui-ci force la main à son allié syrien. A y regarder de plus près, il apparaît cependant que les avantages pour Ankara sont nettement plus importants que les bénéfices que peut en tirer Damas.

Pour Erdogan, qui est obnubilé par l’élection présidentielle de juin et les risques d’assister à la fin de son règne de près d’un quart de siècle sur la Turquie, les gains qu’il peut tirer d’une reprise des relations avec Damas sont multiples.

Celle-ci serait d’abord un signal envoyé à la communauté alévie, qui représente de 15 % à 25 % du corps électoral turc, selon les sources. Cette communauté, dont les croyances se rapprochent de celles de la communauté alaouite, dont est issu l’establishment sécuritaire de Damas, soutient en majorité le régime syrien et n’a jamais vu d’un très bon œil l’appui d’Ankara à l’opposition syrienne.

Un scénario à éviter

Le président turc envoie aussi un signe de fermeté aux réfugiés syriens présents sur son sol. Au nombre de 3,5 millions selon Ankara, ceux-ci sont relativement bien intégrés dans le tissu économique et social turc, mais font office de boucs émissaires pratiques en ces temps de crise.

Finalement, Ankara cherche à mettre fin à l’expérience kurde de gestion du Nord-Est syrien. Même si une intervention militaire comporte son lot de risques, l’attentat d’Istanbul du 13 novembre 2022, attribué par le gouvernement turc à des membres du PKK [Parti des travailleurs du Kurdistan] basés en Syrie, pousse Ankara à agir. Bien qu’Erdogan n’ait pas besoin du feu vert de Damas, son accord faciliterait une intervention militaire ainsi que l’administration des zones reprises aux forces démocratiques syriennes.

Pour Damas, en revanche, les bénéfices à engranger paraissent bien maigres. Certes, les rencontres avec des officiels turcs relanceraient la réhabilitation régionale de la Syrie, qui semble stagner – depuis la réouverture de l’ambassade des Emirats arabes unis à Damas, en décembre 2018, qui a marqué le premier pas dans ce processus de réhabilitation, peu d’avancées ont vu le jour. Les médias syriens ont par ailleurs annoncé qu’Ankara avait cédé à toutes les demandes de Damas, y compris au retour sous son giron des régions du nord-ouest du pays, actuellement sous contrôle turc.

Il vous reste 52.41% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Feugouvernementl’élection présidentiellele gouvernementMoscoupolitiqueSyrieUN