Un flou juridique sur l’application du code des douanes exploité en justice par les trafiquants

C’est un texte de deux lignes à peine, promulgué par un décret du gouvernement « Queuille I », le 8 décembre 1948. L’article 60 du code des douanes régit depuis lors les fouilles des véhicules et des personnes. « Pour l’application des dispositions du présent code et en vue de la recherche de la fraude, les agents des douanes peuvent procéder à la visite des marchandises et des moyens de transport et à celle des personnes », dit-il in extenso.

Ces dernières semaines, la référence à ce succinct article s’est invitée, comme par effraction, dans les plaidoiries des dossiers de « stups » liés à des saisies douanières. Depuis que ce texte, considéré comme la « pierre angulaire » de l’action des agents des douanes, a été déclaré inconstitutionnel, le 22 septembre 2022, il a plongé les procédures dans un flou juridique inédit. En misant sur l’obsolescence du cadre légal des fouilles, les défenseurs des trafiquants présumés ont obtenu plusieurs relaxes, voire des annulations pures et simples de saisies.

Cet imbroglio national a pour point de départ le péage de Vierzon Nord, sur l’autoroute A20. C’est là que les agents des douanes du Cher découvrent, le 10 février 2020, 47 000 euros en liquide dissimulés dans le rembourrage de la portière avant droite d’une Peugeot – des coupures de 20 et 50 euros réparties dans cinq paquets thermosoudés recouverts de cellophane. Le 18 mars 2022, lors du procès du convoyeur devant le tribunal de Bourges, Me Eugène Bangoura, son avocat, décide de jouer son va-tout : il pose une question prioritaire de constitutionnalité (QPC), remettant en cause le bien-fondé de l’article 60 du code des douanes.

L’argumentation de l’avocat berruyer soutient que l’article de 1948, qui laisse une large latitude aux « visites » douanières, n’est plus adapté à l’ordre juridique d’aujourd’hui. « Ce texte particulièrement lapidaire est attentatoire aux libertés individuelles et totalement détaché des garanties légales de droit commun régissant les contrôles de police ou de gendarmerie », précise Me Bangoura. Le procès de son client, sur le fond, est alors remis à plus tard. Mais la QPC est bien transmise au Conseil constitutionnel.

De la « sidération » à la « colère »

La Rue Montpensier tranche, dans une décision publiée le 22 septembre 2022. L’article 60, déclaré « inconstitutionnel », est abrogé sur-le-champ. Le commentaire justifie qu’« en ne précisant pas suffisamment le cadre applicable à la conduite de ces opérations (…) le législateur n’a pas assuré une conciliation équilibrée entre, d’une part, la recherche des auteurs d’infraction et, d’autre part, la liberté d’aller et venir et le droit au respect de la vie privée ».

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