Au Maroc, la colère contre la cherté de la vie monte à un mois du ramadan

Il est 10 heures passées. Les commerçants ont déballé leurs marchandises sur les étals du souk de Derb Ghallef, un quartier populaire de Casablanca, mais les clients tardent à affluer. Mina Brima, la cinquantaine, déambule au milieu des échoppes de volailles et des charrettes de légumes, le panier vide. « Tout est devenu trop cher, se désole cette habitante du quartier. Les tomates, les patates, les œufs… tout ! Si ça continue, ce sera la famine ! »

Ce qui inquiète Mina, c’est cette flambée des prix qui a redoublé d’intensité ces dernières semaines au Maroc et la contraint à un sévère rationnement. Elle ne mange plus de viande, restreint ses tajines à quelques morceaux de pommes de terre, quand ses repas ne se limitent pas, de plus en plus souvent, au pain et au thé. Quelques ruelles plus loin, Jamila, 45 ans et trois bouches à nourrir, quitte le souk un sachet de farine à la main : « Ça, c’est pour faire mon pain, dit-elle. Pour les légumes, je reviendrai ce soir. » Les invendus sont moins chers.

« Avant, les clients achetaient par kilos. Maintenant, ils repartent avec trois tomates, deux oignons… », se désole Hamza Akharchaf. Le primeur reconnaît que « les prix, en ce moment, c’est le summum ». « Je n’ai rien en dessous de cinq dirhams », précise-t-il. Même constat chez Taoufik, le boucher de la ruelle voisine, dont les morceaux de viande suspendus aux crochets de sa devanture frôlent les 100 dirhams le kilo : « En trente-six ans de métier, je n’avais jamais connu des prix à trois chiffres ! » Conséquence, il vend aussi trois fois moins.

Appel à la mobilisation

Selon le Haut-Commissariat au plan (HCP), l’inflation a atteint un pic de 8,3 % à la fin 2022, avec un renchérissement de 15 % des prix des produits alimentaires. Dans un pays où le niveau de pauvreté et les inégalités sociales n’ont cessé de s’aggraver depuis la crise sanitaire, cette envolée des prix, sur fond de rebond des cours des matières premières couplée à une grave sécheresse, cristallise les tensions. Dimanche 19 février, des sit-in ont été organisés dans plusieurs villes du royaume, à l’appel de la Confédération démocratique du travail (CDT), l’une des trois centrales syndicales les plus représentatives.

En dépit de l’interdiction de manifester décrétée par les autorités – justifiée par l’état d’urgence sanitaire toujours en vigueur au Maroc –, le syndicat a maintenu son appel à la mobilisation. Objectif : « Protester contre la hausse sans précédent des prix et dénoncer l’indifférence du gouvernement face à l’aggravation de la crise sociale », explique Younès Firachine, membre du bureau exécutif de la CDT, estimant que les autorités « n’ont pas pris de dispositions concrètes pour préserver le pouvoir d’achat des Marocains qui ne cesse de s’effondrer ».

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