Livre. « PPDA s’est cru irrésistible (…), il collectionnait tellement de conquêtes que cela paraissait évident que toute femme avait envie de lui. Ici, nulle place pour le consentement des femmes. » Lorsque l’auteur du Prince noir écrit ces lignes, il ne fait plus de doute qu’il a compris l’infâme logique de l’ancien présentateur du « 20 heures » de TF1. Alors pourquoi Romain Verley s’est-il passé de l’avis des accusatrices de PPDA pour reproduire leurs témoignages dans son livre ?
Soutenue par plusieurs de ses sœurs d’infortune, l’une des femmes qui ont porté plainte pour viol contre Patrick Poivre d’Arvor a lancé un recours en référé pour atteinte à la vie privée la veille de la sortie de l’ouvrage, au motif que ce qu’elle avait livré à la police, et seulement à la police, y figurait en détail. La justice l’a déboutée. Ces éléments de contexte colorent la lecture de ces plus de 400 pages d’un sentiment ambivalent : si rien ne justifie qu’une enquête journalistique ne puisse pas paraître, rien n’excuse non plus les manquements à l’éthique du métier (le nom de la plaignante sera toutefois retiré dans les ouvrages en réimpression).
Dimension nauséeuse
Le journaliste exploite ici, une seconde fois, et sur 414 pages, le travail qu’il avait réalisé pour son documentaire PPDA, la chute d’un intouchable, diffusé en avril 2022 dans « Complément d’enquête », sur France 2. Les dizaines de témoignages et les vingt-deux plaintes, dont onze pour viol, contre Patrick Poivre d’Arvor valaient bien, semble nous dire l’auteur, qui s’exprime à la première personne (malgré l’effet de mise en scène de soi que cela induit), de consacrer une enquête à leur auteur présumé. De fait, le vertige que le récit produit est intact.
Usant à l’envi de l’image du « prince » (« petit prince », « prince charmant », « prince de la télé », « prince des ondes », « prince narcissique »…) pour le qualifier, Romain Verley croque plutôt précisément la vedette mégalomane, manipulatrice et même menteuse, comme nombre d’épisodes archiconnus de sa vie l’ont maintes fois prouvé (la fausse interview de Fidel Castro, l’affaire Botton, qui lui a valu une condamnation pour recel d’abus de biens sociaux). Le portrait prend une dimension véritablement nauséeuse quand Romain Verley se livre à l’exégèse de ses multiples textes, aux résonances troublantes avec les faits dont Patrick Poivre d’Arvor est accusé – qu’il nie en bloc.
Quant aux rapprochements entre le suicide de sa fille Solenn, anorexique, et les abus dont des femmes souffrant de cette pathologie l’accusent, on ne sait comment les accueillir. « On n’a pas le droit d’aimer sa fille comme ça », a écrit Patrick Poivre d’Arvor. Certes. Mais si les apparences sont accablantes, laisser le lecteur conclure de lui-même qu’un aveu se cache peut-être, sans doute, allez savoir, derrière ces mots, laisse tout de même un peu songeur.
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