Coincée entre une brasserie et une boulangerie, la devanture fleurie du 18, rue des Archives à Paris pourrait passer inaperçue. C’est sans compter sur la soixantaine de jeunes filles rassemblées sur le trottoir mouillé par la pluie. Vendredi 5 mai, Shein prend ses quartiers dans le Marais. Après Toulouse, Montpellier et Lyon en mars, la capitale accueille pendant quatre jours cette boutique bien réelle du site Internet d’habillement chinois. Des hauts à 4,75 euros, des jeans à moins de 14 euros et des accessoires pour 1 euro : jusqu’au lundi 8 mai, la marque espère accueillir plus de 10 000 clients avec « des prix de ouf » comme le vante un panneau publicitaire à l’entrée.
« C’est un peu le paradis ici, sourit Solène Richard qui cache difficilement son impatience à quelques mètres de la porte. J’achète toutes les semaines sur le site Internet. Je ne pouvais pas rater ça. » L’étudiante est venue avec deux amies et sa mère. Dans la file d’attente, la moyenne d’âge ne dépasse pas 25 ans. En 2022, le site représentait 6,2 % des volumes d’achat d’habits chez les jeunes selon le panéliste Kantar, juste devant le géant suédois H&M.
De « l’extravagance à pas cher »
Plus loin, Pascale détonne parmi les adolescentes. La retraitée a pris le car de Rouen à 7 h 30 pour être sûre de ne rien rater de l’ouverture. « J’ai une armoire remplie de vêtements de la marque », assure la sexagénaire qui porte une chemise à froufrous commandée sur le site chinois. « C’est de l’extravagance à pas cher, s’enthousiasme-t-elle. Shein, ce n’est pas que pour les jeunes. » Pour elle, aujourd’hui, aucune limite de budget : « Je repars ce soir de Paris, alors autant se faire plaisir. »
Alors que les portes s’ouvrent enfin, les premiers de la file sortent leur téléphone portable pour immortaliser l’événement. Dans quelques secondes, les vidéos se retrouveront sur Instagram ou sur TikTok. Depuis son lancement, Shein mise sur les réseaux sociaux pour promouvoir ses produits. Les déballages et essayages filmés et commentés envahissent la Toile.
Devant la boutique bien réelle, une famille de touristes chinois s’arrête, curieuse de voir ce qui attire autant de monde un vendredi matin. Le fils tente de jeter un coup d’œil à l’intérieur du magasin éphémère. « Quoi ici ? », finit-il par demander à une passante dans un français approximatif. « C’est Shein », répond du tac au tac la jeune femme. Perplexe, le touriste tourne les talons. Si les vêtements vendus par la marque sont pour leur grande majorité fabriqués dans la province de Guangdong, en Chine, il est impossible de s’en procurer dans le pays.
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